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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/224

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

qui se rencontre dans les générations des diverses parties du Monde. Certains caractères, en effet, appartiennent nécessairement à toute génération particulière en tant qu’elle est particulière ; il est impossible qu’ils se rencontrent dans la génération universelle, s’il y a une génération universelle. » Rabbi Lévi s’étend très longuement sur ceci, qu’il y a une différence entre ces deux sortes de générations. Voici le résumé de son discours : La génération universelle est à la génération particulière dans le même rapport que la génération totale d’un homme à la nutrition de cet homme. »

Tout raisonnement sera donc sophisme, s’il nie la création du Monde en vertu de caractères que montre, il est vrai, toute génération particulière, mais qu’elle montre seulement, en tant qu’elle est particulière.

« Aussi, dans son Exposition de la Paraphrase du Livre des Physiques, Rabbi Lévi dit-il : « Cette démonstration par laquelle Aristote prouve que la Matière première ne peut être engendrée ni détruite, n’allez pas vous imaginer faussement qu’elle soit une preuve décisive de l’éternité du Monde. En effet, la génération dont parle celui qui tient pour la création est toute différente de celle dont parle ici le Philosophe ; cette dernière génération est naturelle, et celui qui tient pour la création ne prétend aucunement que le Monde ait été engendré d’une manière naturelle ; aussi cette génération-ci n’est-elle point la venue d’une forme dans une matière, mais la production pure et simple d’un sujet. Voilà pourquoi celui qui tient pour la création du Monde admet que le corps du Ciel a été engendré, encore que la génération naturelle soit impossible à ce corps. »

Suggérée par Maïmonide, mais précisée et popularisée par Saint Thomas d’Aquin, cette distinction était courante, au xive siècle, dans les écoles de la Chrétienté latine.

De la distinction qu’il vient de poser, Lévi ben Gerson fait usage en diverses circonstances, particulièrement en celle-ci[1] :

Aristote soutient que le Ciel n’a pu être engendré, car toute génération consiste dans un passage d’une forme à la forme contraire ; or il n’est pas de forme qui soit contraire à celle du Ciel. Rabbi Lévi conteste d’abord, même pour les générations particulières, que la production d’une forme suppose toujours la pré-existence de la forme contraire ; puis il soutient que si la généra-

  1. Calo Calonymos, Op. laud., lib. III, pars IV, cap. II ; 3e fol. après le fol. sign. Hiii, ro et vo.