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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/516

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

Cette proposition, qu’Henri de Gand se plaira à formuler et à développer, elle ne se montre pas d’une manière explicite dans les écrits de Saint Thomas ; mais elle est comme sous-jacente à sa pensée et, souvent, se laisse deviner dans ses enseignements.

« Toute chose, dit-il[1], en tant qu’elle possède l’existence, participe à l’Acte premier par une assimilation. — Cum quælibet res participet per assimilationem ad primum Actum, inquantum habet esse. »

Et encore[2] : « Tandis que, par l’existence, toutes les créatures imitent l’essence divine, elles ne l’imitent pas toutes en ce qui concerne la vie… De plus, toutes celles qui l’imitent par l’existence ne participent pas à l’existence de la même manière, car il en est qui possèdent une existence plus noble, »

« Comme la matière première[3] existe par Dieu, il faut que l’idée de la matière première se trouve en Dieu d’une certaine façon ; il lui faut attribuer une idée eu Dieu de la même manière que l’existence lui est attribuée ; car toute existence, dans la limite où elle est quelque chose de parfait, est tirée de l’existence de Dieu. Or l’existence parfaite ne convient pas à la matière prise en elle-même, mais seulement à la matière en tant qu’elle est engagée dans le composé de matière et de forme ; en elle-même, elle n’a qu’une existence imparfaite, le dernier degré d’existence, qui est l’existence en puissance. Si donc elle possède [en Dieu] une idée de nature parfaite, c’est seulement parce qu’elle est engagée dans un composé ; c’est, en effet, de cette façon qu’une existence parfaite lui est conférée, par Dieu ; considérée en elle-même, elle n’a, en Dieu, qu’une idée de nature imparfaite. Il en est ainsi parce que l’Essence divine peut être imitée par le composé suivant une existence parfaite et par la matière suivant une existence imparfaite ; enfin elle ne peut être aucunement imitée par la privation… Les accidents, eux non plus, n’ont pas une existence parfaite ; la perfection de l’idée leur fait donc défaut… Toutefois, dans la limite où ils possèdent l’existence par imitation de l’essence divine, l’essence divine est leur idée. Secundum quoa esse habent per imitationem divinæ essentiæ, essentia divina est eorum idea. »

Dans le Néo-platonisme d’Avicenne, la théorie de la création

  1. Sancti Thomæ Aquinatis Quœstio disputata de spiritualibus creaturis, Art. I : Utrum substantia spiritualis sit composita ex materia et forma.
  2. Sancti Thomæ Aquinatis Scriptum in primum librum Sententiarum, dist. XXXVI, quæst. II, art. II : Utrum sint plures ideæ.
  3. Sancti Thomæ Aquinatis Op. jaud., dist. XXXVI, quæst. II, art. III : Utrum in Deo sint ideæ cognoscit.