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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/52

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

Causes primordiales ; il y a une matière secondaire qui subsiste dans les effets des causes primordiales ; la première a une durée éternelle dans la Sagesse divine, tandis que la seconde est soumise au temps ; mais, toutes deux, elles sont créatures ; toutes deux, Dieu les a faites de rien.

L’Action créatrice de Dieu, ce n’est pas autre chose que la Volonté de Dieu se proposant de faire ce qui doit être fait[1]. « C’est par le mouvement de la Volonté divine que sont toutes les choses qui sont ; c’est ce mouvement qui crée toutes choses, qui les tire du néant et les fait passer du non-être à l’être. » — « Ce que Dieu fait[2], donc, c’est la Volonté de Dieu ; il fait ses volontés et toutes les choses qui sont faites sont ses volontés…

» Dieu ne voit pas d’une part ses volontés et, d’autre pari, ce qu’il a fait ; les choses qu’il a faites, il les voit en tant qu’elles sont ses volontés… La vision divine est une vision simple qui unifie ; elle voit toutes choses en une…

» Mais la Volonté de Dieu ne peut pas être détachée de Dieu et adjointe à la créature, de telle sorte que Dieu soit ce qui crée, et sa Volonté ce qui est créé… Dieu, ses volontés et tout ce qu’il a fait sont une seule et même chose… Puis donc que les volontés de Dieu ne sont pas extérieures à la nature de Dieu, Dieu se fait lui-même. »

« On peut,[3] dès lors, dire que la Nature divine, qui n’est pas autre que la Volonté divine, se fait en toutes choses. Car, en elle, être et vouloir ne sont pas différents… Elle crée donc toutes choses… ; mais elle-même, elle est créée, car rien n’existe hors d’elle d’une manière essentielle ; elle est, en effet, l’essence de toutes choses… Toute chose dont on dit qu’elle existe n’existe pas en elle-même ; elle n’existe que par participation Nature véritablement existante. »

Ce mystère de Dieu qui est en tout ce qu’il fait, qui est tout ce qu’il fait, qui, par conséquent, se crée lui-même en créant les choses, en sorte qu’il peut être dit à la fois créateur et créé, c’est l’objet constant des méditations de l’Érigène.

Afin d’entrouvrir à cette doctrine l’intelligence de son Disciple, il use d’une comparaison[4] :

« Avant même que notre pensée soit devenue objet de réflexion et de mémoire, on dit avec raison quelle existe ; cependant, elle Joannis Scoti Erigenæ Op. laud., Lib. III, cap. 5, éd. cit., coll. 630-637.

  1. Joannis Scoti Erigenæ Op. laud., Lib. I, cap. 12, éd. cit., coll. 453.
  2. Joannis Scoti Erigenæ Op. laud., Lib. III, cap. 17, éd. cit., coll. 673.
  3. Joannis Scoti Erigenæ Op. laud., Lib. I, cap. 12, éd. cit., coll. 453-454.
  4. Jean Scot Érigène Ibid.