Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
30
LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

taire de cette même Métaphysique ; nous voulons parler des condamnations qui frappent les propositions suivantes :

66 [99]. Il y a plusieurs premiers moteurs,

77 [50]. S’il existait une substance séparée qui ne mût aucun corps en ce monde sensible, elle ne serait pas comprise dans l’Univers.

La première proposition conduisait immédiatement au Polythéisme ; quant à la seconde, elle était inconciliable avec ce que l’Eglise enseignait au sujet des anges.

Moins aisée à reconnaître est la doctrine que les théologiens de Paris avaient condensée sous cette forme :

212 [74]. C’est par sa seule volonté que l’Intelligence meut le ciel.

De l’avis des contemporains, la condamnation portée contre cet article atteignait une théorie qui avait alors ses partisans ; inspirée par le langage d’Avicenne, d’Al Gazâli et de Moïse Maimonide, qui donnait le nom d’anges aux intelligences et aux âmes des cieux, cette théorie prétendait que les divers orbes sont mûs par le simple vouloir des anges, libres exécuteurs des ordres de Dieu.

En revanche, certains auteurs jugeaient que cette thèse est blasphématoire. Dieu seul, disait le Liber de Intelligentiis[1], meut un corps par sa seule volonté ; en elfet, comme il est. acte pur, son action est identique à sa volonté ; mais en toute créature, l’acte est mêlé de puissance ; l’action d’une créature n’est donc pas même chose que la volonté ; pour mouvoir un corps, il ne suffit pas à une Intelligence de le vouloir ; il faut encore qu’un certain contact avec le mobile, une certaine compénétration de sa substance au sein du mobile lui permette d’exercer son action.

C’est l’opinion du Liber de Intelligentiis qu’Étienne Tempier et ses conseillers imposaient aux Parisiens.

A. Les moteurs célestes sont-ils des ange

L enseignement d’Ulrich de Strasbourg.

Que l’on put recevoir dans le Christianisme, à la seule condition de les affubler du nom d’anges, les intelligences séparées et les Ames célestes que les Philosophes avaient définies, cela révoltait Albert le Grand, alors qu’il commentait les Sentences[2].

1. Voir Troisième partie » Ch. VI, § Ij L V, pp, 178-182.

2. B. Alberti Magni Scriptam in seeundum libmm Sententtarum, DisL III art. I est arL 111 ; dist. XIV, art. VL

  1. 1
  2. 2