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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/41

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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

Nous avons rapporté précédemment ce qu’il pensait de cette opinion ; nous avons dit avec quelle sévérité il la jugeait : « C’est une erreur maudite… C’est une folie… Ceux qui la soutiennent n’ont rien compris à ce que les philosophes disent des intelligences. » Pour Albert, ce qu’on peut dire de plus exact au sujet du mouvement des cieux, c’est qu’ils sont mus par l’ordre et la volonté de Dieu.

L opinion d’Albert. le Grand ne trouva guère de crédit., même chez les Dominicains ses disciples ; il fut généralement reçu que les moteurs des cieux, nommés intelligences et Ames par les philosophes, doivent être placés au nombre des créatures appelées anges parla doctrine chrétienne.

Les propos que Thomas d’Aquin tient à ce sujet, lorsqu’il commente les Sentences[1], sont visiblement écrits pour répondre à ceux d’Albert le Grand.

Sans doute, il n’admet pas plus que son maître que les intelligences et les âmes des cieux se soient engendrées les unes les autres. « Cela, notre foi ne le peut souffrir ; elle affirme, en effet, que Dieu seul est créateur. » Mais, avec Avicenne dont il invoque l’autorité, il admet que nous pouvons donner le nom d’anges aux moteurs immédiats des cieux ; que les intelligences séparées sont, en la hiérarchie des esprits célestes, des anges d’ordre plus élevé que les âmes des orbes. À son maître Albert le Grand, il adresse cette réponse : « Certains disent que le mouvement des corps célestes ne doit point provenir de quelque intelligence ni de quelque volonté, mais qu’il doit être produit immédiatement par Dieu. Cela ne convient pas à l’ordre de la divine sagesse, car c’est par des intermédiaires que ses effets parviennent à leurs termes ultimes. »

Ulrich de Strasbourg, qui recourait si volontiers à l’enseignement d’Albert le Grand lorsqu’il voulait connaître le nombre et les mouvements des cieux, rejette absolument la doctrine de ce maître touchant la nature des moteurs célestes. Son opinion à ce sujet s’inspire visiblement de celle de Saint Thomas d’Aquin ; et comme celle de Saint Thornas d’Aquin, elle n’est pas exempte de fluctuations.

Nous trouvons, tout d’abord, dans le Liber de Summo Bono, au second traité du second livre, un chapitre[2] qui a pour objet

1. Sancti Thom.e Aolinatis Scriptam in Ilm librutn Sentent tarum, Dîst. XIV, quivsi. 1, art. III : Ulrutn motus cœli sit ab inlelligentia.

2. I’miici deArgbntina Liber de Sammo Bonn. Lib. Il, tract. Il : De Domine diceole substanliam divinarn. Cap. I : De stabilieodo esse divino. liibl. nat., fonds latin, ms. n° ibgoo, fol. jq, col. d, et fol. 20, coll. a et b.

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