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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/94

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L’INFINIMENT PETIT ET L’INFINIMENT GRAND

Or, la seconde des Probationes qui ont trait au traité De maximo et minimo[1] est destinée à justifier ces deux propositions :

On ne peut assigner le poids maximum que Socrate est capable porter.

On peut assigner le poids minimum que Socrate est incapable de porter.

Les raisonnements développés à l’appui de ces deux propositions sont presque textuellement ceux dont Jean Buridan avait usé en semblable circonstance.

Mais à la lecture de ces raisonnements, il est permis d’éprouver un doute : Les Probationes conclusionum sont-elles bien de William Heylesbury ? Ces Probationes constituent un commentaire suivi des Regulæ solvendi sophismata. Que William Heytesbury se soit ainsi commenté lui-même, c’est déjà un juste sujet d’étonnement. C’en est un autre, et bien plus puissant, de constater une extrême différence entre les manières de raisonner et d’écrire dont aurait usé le même auteur selon qu’il composait les Regulæ ou les Probationes. Les Regulæ sont un type de cette argumentation désordonnée, enchevêtrée, sophistique qui était de mode à Oxford, et dont Heytesbury ne s’est point départi en ses autres écrits ; par l’ordre, par la clarté, par la sobriété, par la rigueur, les Probationes rappellent les écrits de Buridan et d’Albert de Saxe ; à ces maîtres, elles empruntent, la plupart du temps, et leurs raisonnements et leur style. Il nous paraît fort malaisé de ne point regarder les Probationes conclusionum comme un commentaire composé par quelque maître parisien, par quelque disciple d’Albert de Saxe, sur les Regulæ solvendi sophismata dues à William Heytesbury.

Quel qu’il soit, d’ailleurs, l’auteur des Probationes conclusionum avait soigneusement gardé, au sujet du maximum in quod sic et du minimum in quod non, l’opinion soutenue par Jean Buridan, par Albert de Saxe et par Nicole Oresme. Mais voici qu’à Paris même, cette opinion si claire et si juste va commencer d’être méconnue, signe manifeste de la décadence qui, aussitôt après la mort des grands maîtres dont nous venons de parler, se marque en l’université où ils avaient enseigné.

Lorsqu’il traite de la Physique secundum nominalium viam, Marsile d’Inghen suit presque toujours pas à pas l’ordre des questions relatives à la Physica auscultatio ou au De Cælo qu’Albert a

  1. Guilelmi Hentisberi, Probationes conclusionum in regulis positarum. Regulaæ observandæ de maximo et minimo, art 2. Éd. cit., fol. 194, col. a.