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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Qu’au voisinage de l’an 1250, cette hypothèse fût débattue à l’Université de Paris, c’est Bacon qui va nous l’apprendre. Des deux séries de Questions sur la Physique d’Aristote, composées par Roger Bacon et conservées par un manuscrit de la Bibliothèque d’Amiens, la seconde série nous présente, à propos du septième livre, quatre questions qui ont trait au mouvement des projectiles.

Le commencement de la première question fait défaut ; ce qui reste de cette question suffit, cependant, à nous faire connaître l’intention de l’auteur. Celui-ci y soutenait que le moteur doit être présent au mobile par sa substance même, et non pas seulement par l’infusion, au sein de ce mobile de quelque vertu ou qualité. Le moteur, disait-il[1], doit être « avec le mobile par sa substance ; il ne suffî t pas qu’il soit avec lui par l’influence de sa vertu. Il en est de même dans la chute des graves et l’ascension des corps légers ; [la forme du corps], étant excitée[2], meut le corps grave ou léger, et elle lui est substantiellement présente. De même [dans le mouvement du projectile], les parties de l’air qui, divisées et rejetées en arrière (reinclinantes), poussent le grave ou le corps léger, lui sont continuellement conjointes par leur substance. Ainsi, si l’on entend parler du moteur et du mobile d’une manière naturelle, tout moteur est substantiellement conjoint au mobile ; il ne suffît pas qu’il lui soit conjoint par l’influence d’une certaine vertu. Au mouvement de projection, donc, ne suffit pas la continuation, au sein du projectile, de la vertu de l’instrument de jet ; il faut que le moteur soit substantiellement uni, toujours et d’une manière continue, au mobile ; c’est chose qu’il faut accorder.

» Voici ce qu’il faut répondre à la première objection : Ce qui pousse le projectile est toujours substantiellement voisin de ce projectile ; en effet, comme on l’a dit, il y a ici plusieurs moteurs qui se succèdent d’une manière continue ; ce sont les parties de l’air rejetées en arrière ; en sorte que le moteur prochain est toujours substantiellement uni au projectile. Il n’est point nécessaire que le premier instrument de projection continue d’exercer sa force ; avec le dernier mobile, il n’est uni ni par sa substance ni par l’influence d’une vertu ; il n’est uni au projectile, et cela d’une manière substantielle, qu’au moment où le

1. Questiones supra librum phisicorum a magistro dicto bacuun. Bibliothèque municipale d’Amiens, ms. no 406, fol. 65, col. a.

2. Voir : plus haut, ch, VIII, § V.

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