Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
177
LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

projectile commence à se mouvoir ; mais ensuite, pour les raisons susdites, il ne peut plus lui communiquer sa force. »

Bacon examine ensuite cette objection : L’aimant meut le fer sans lui être conjoint d’une manière substantielle. Voici sa réponse :

« Il n’y a pas analogie. Il y a, en effet, une traction naturelle ; telle est cette traction exercée sur le fer par l’aimant, grâce à cette vertu céleste que le fer reçoit de l’aimant d’une manière complète ou incomplète. Mais, comme on l’a vu, toute projection est violente. Pour que la comparaison fût valable, il faudrait prendre une traction entièrement violente, comme la projection est, elle-même, violente ; on ne devrait pas prendre la traction du fer par l’aimant qui, nous l’avons dit, est naturelle jusqu’à un certain point.

On peut dire aussi que l’aimant ne meut pas le fer ; il excite seulement et fortifie la vertu même du fer ; ainsi excitée, cette vertu devient un moteur suffisant et meut le fer jusqu’au contact de l’aimant ; partant, dans un tel mouvement, le moteur est encore conjoint au mobile par sa substance et sa force ; ce n’est pas, en effet, l’aimant qui est le moteur du fer ; c’est la vertu du fer qui, excitée par l’aimant, meut le fer… Il en est de même dans le cas qui nous est proposé ; le moteur demeure sans cesse substantiellement conjoint au mobile ; il ne meut pas par l’influence d’une vertu. »

Le mouvement d’altération est le seul où l’agent qui détermine l’altération puisse ne pas être substantiellement conjoint au patient qui éprouve cette altération. « Cela est rendu évident par le ciel qui altère les choses d’ici-bas et par le feu qui altère l’air. Dans le mouvement local, il ne saurait v avoir ainsi continuation de vertu ; une semblable continuation de vertu ne peut se rencontrer que dans le mouvement d’altération. La raison en est que toute émission ou toute inimission de vertu est accompagnée d’une altération. Il est donc évident qu’en tout mouvement local, le moteur est substantiellement conjoint au mobile. »

Bacon n’ignore donc pas, touchant le mouvement des projectiles, l’hypothèse proposée par Jean Philopon et insinuée par Al Bitrogi ; mais il rejette cette hypothèse ; si le projectile est maintenu en mouvement, c’est grâce à l’agitation de l’air ; c’est cette dernière supposition qu’il va approfondir dans les trois questions suivantes.