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LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

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» Celui qui veut sauter loin recule et court avec vivacité, afin d’acquérir par cette course un impetus qui, durant le saut, le porte à une grande distance. D’ailleurs, durant qu’il court et saute, il ne sent nullement que l’air le meuve, mais il sent, au-devant de lui, l’air qui lui résiste avec force.

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» Mais à l’occasion de cette opinion se présentent des difficultés qui ne sont pas petites.

» Première difficulté. La pierre jetée en l’air est mue par un principe intrinsèque, à savoir par l’impetus qui lui a été imprimé ; il ne paraît pas que cela soit vrai, car tout le monde s’accorde à regarder ce mouvement comme un mouvement violent ; or, selon le IIIe livre de l’Éthique, ce qui est violent provient non d’un principe actif intrinsèque, mais d’un principe extrinsèque.

» Deuxième difficulté. Cet impetus, qu’est-il ? Est-ce le mouvement lui-même, est-ce autre chose ? Si c’est autre chose que le mouvement, est-ce une réalité purement successive, comme le mouvement lui-même, ou bien une chose de nature permanente ? Quelle que soit, en effet, l’affirmation que l’on adopte, on voit apparaître des arguments en sens contraire qui sont difficiles à résoudre.

» Au sujet de la première difficulté, on peut dire que le grave jeté en l’air se meut bien par un principe intrinsèque qui lui est inhérent ; on dit toutefois que ce mouvement est violent, parce que ce principe, savoir l’impetus, est violent et non naturel au mobile ; il ne convient pas à la nature formelle de ce corps ; c’est un principe extrinsèque qui l’a imprimé par violence en ce grave ; la nature du grave incline au mouvement opposé et à la destruction de cet impetus.

» Au sujet du second doute, qui est fort difficile à dissiper, il me paraît que l’on doit répondre en posant trois conclusions.

» La première conclusion est la suivante : Cet impetus n’est pas simplement le mouvement local selon lequel se meut le projectile. Cet impetus, en effet, meut le projectile, et le moteur engendre le mouvement ; cet impetus produit donc le mouvement, tandis que le mouvement ne saurait s’engendrer lui-même.