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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Item, tout mouvement provient d’un moteur qui est présent au mobile, qui coexiste à ce mobile ; si donc cet impetus était mouvement, il faudrait assigner un autre moteur dont ce mouvement pût provenir, et l’on serait ainsi ramené à la difficulté du début ; il n’aurait servi à rien de poser l’existence d’un tel impetus.

» Quelques-uns ergotent à ce sujet. Ils prétendent que la première partie du mouvement, celle qui lance le projectile, engendre une autre partie du mouvement, celle qui suit immédiatement la première ; et ainsi de suite jusqu’à la cessation de tout mouvement. Mais cette opinion ne saurait être approuvée ; ce qui produit une autre chose doit exister au moment où cette autre chose est faite ; or, la première partie du mouvement n’est plus lorsque la seconde partie existe, comme nous l’avons dit ailleurs. La conséquence que nous établissons ainsi peut encore être rendue évidente par ceci, que nous avons dit ailleurs : Être mû consiste uniquement dans le fait même d’être produit ou d’être détruit ; le mouvement n’existe donc pas quand il est fait, mais bien quand il se fait (Motum esse nihil aliud est quam ipsum fieri et ipsum corrumpi ; unde motus non est quando factus est, sed quando fit).

» Voici la seconde conclusion : Cet impetus n’est pas une chose purement successive ; le mouvement, en effet, est une réalité purement successive, comme nous l’avons dit ailleurs, et nous venons de déclarer que cet impetus n’était pas identique au mouvement local.

» Item, toute réalité purement successive se détruit continuellement, il lui faut donc être sans cesse produite ; or, on ne peut assigner à cet impetus quelque chose qui l’engendre sans cesse, car ce quelque chose lui serait semblable.

» La troisième conclusion est donc que cet impetus est une réalité permanente distincte du mouvement local selon lequel se meut le projectile. Cette conclusion résulte des deux précédentes et de ce qui a été dit auparavant. Il est vraisemblable que cet impetus est une qualité dont la nature est de mouvoir le corps auquel elle a été imprimée ; de même dit-on qu’une qualité imprimée dans le fer par l’aimant meut ce fer vers cet aimant. Ceci est également vraisemblable : De même que cette qualité a été imprimée dans le mobile par le moteur en même temps que le mouvement, de même est-elle affaiblie, détruite et empêchée par toute résistance et toute inclination contraire qui affaiblit, empêche et détruit le mouvement.