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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

d’eau était de même grandeur qu’un espace rempli d’air, un mobile exigerait, en vertu de la distance des termes, le même temps pour franchir l’un ou l’autre espace ; mais la grandeur de ce temps serait diversifiée par suite de la résistance du milieu. »

Contre cette doctrine, Gilles se borne à reproduire l’argumentation d’Averroès, c’est-à-dire à montrer que l’opinion d’Ibn Bâdjâ ne s’accorde pas avec la Dynamique d’Aristote ; mais admettre l’exactitude de cette Dynamique, c’est justement supposer ce qui est en question.

Cette argumentation illogique a eu un grave inconvénient. Cette proposition : Ce qui empêche le mouvement dans le vide de se faire instantanément, c’est la seule grandeur de l’espace à franchir, a été regardée par nombre de Scolastiques comme l’expression de la pensée de Saint Thomas d’Aquin ; ils se sont attardés à la discuter laissant dans l’oubli la véritable supposition thomiste qui était autrement profonde et grosse de vérités.

Or, cette doctrine que Gilles de Rome avait combattue et que sa discussion a fait regarder plus tard comme la doctrine de Saint Thomas d’Aquin, elle exprimait, en réalité, une pensée de Roger Bacon.

L’existence d’un espace vide de tout corps, mais doué de dimensions, et au sein duquel un corps pourrait exister à se mouvoir, semble à Roger Bacon, chose tout à fait impossible ; à l’encontre d’une telle supposition, il ne cesse d’argumenter en ses deux séries de Questions sur la Physique d’Aristote, au cours de VOpus tertium comme des Communia naturalium. Toutefois, après avoir démontré que le vide ne saurait exister et que, s’il existait, tout mouvement y serait impossible, il en vient, à l’exemple d’Aristote, à poser cette question : Si le vide pouvait exister, si un corps le pouvait traverser, le traverserait-il en un instant ou bien mettrait-il, à le franchir, un certain temps ?

Ce problème, il l’examine tout d’abord en la seconde série de Questions sur la Physique que nous conserve un manuscrit de la Bibliothèque municipale d’Amiens.

« Il est maintenant acquis, dit-ilErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu., que ni le mouvement naturel ni le mouvement circulaire ni le mouvement violent

1. Questiones supra librum phisicorum a magistro dicto bacuun. Bibliothèque municipale d’Amiens, ms. n° 406, fol, 48, col. d.