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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

ni, en particulier, quelque translation que ce soit ne se peut faire dans le vide ; mais maintenant, au sujet de la translation en général, nous poserons la question suivante ; s’il était possible qu’une translation s’accomplît dans le vide, s’accomplirait-elle en un instant ou en un certain temps ?

» Il semble qu’elle se doive accomplir en un certain temps. Aristote dit en effet, au huitième livre des Physiques que l’avant et l’après dans l’espace sont causes de Vavant et de Vaprès en la translation qui parcourt cet espace. Mais l’avant et l’après dans la translation font l’avant et Vaprès dans le temps ; ainsi, en cette translation, il y aurait un avant et un après dans le temps, en sorte que le mouvement serait successif.

» En outre, tout corps est divisible et a une distance entre les surfaces qui le limitent ; il a une partie antérieure et une partie postérieure ; il franchira donc le vide par une de ses parties avant de le franchir par l’autre ; dès lors, il y a, ici, un avant et un après dans les parties de la grandeur, donc un avant et un après dans le mouvement et, partant, un avant et un après dans le temps.

» Au contraire : Du vide au plein, il n’y a aucun rapport ; mais le passage d’un corps au travers d’un espace plein se fait en un certain temps ; donc le passage d’un corps au travers du vide se fera en un instant. On voit dans le texte que ce fut l’intention d’Aristote que le mouvement se fît en un instant.

» Toutefois, si une translation y était possible, il serait nécessaire de supposer qu’elle est successive et qu’elle se fait en un certain temps.

» À l’autorité d’Aristote, donc, nous répondrons qu’il la faut entendre ainsi : Le vide n’est ni un accident ni une substance incorporelle ; dès lors, si le vide était un espace séparé, il serait une substance corporelle, en sorte que le vide et le plein seraient la même chose ; partant, le vide n’est rien du tout. Cependant, si, à titre de simple sujet de discussion (gratia disputationis), nous admettions que le vide est un espace séparé, nous devrions alors nier cette proposition : il n’y a pas de rapport entre le vide et le plein. Toutefois, comme le vide, selon la véritable réalité, n’est rien du tout, Aristote a bien raisonné.

» On pourrait dire encore : Si l’on parle du mouvement naturel, il n’y a pas de rapport du vide au plein ; mais il n’en est plus de même si l’on parle du mouvement d’une manière absolue. En effet, à l’égard des distinctions naturelles, il n’y a pas de rapport ; mais à l’égard de la distance et de la dimension, il y