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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

Aristote et généralement adoptée au xiiie siècle, donnait de la chute accélérée des graves une image entièrement fausse. Selon cette théorie, la vitesse d’un poids qui tombe dépendrait non pas de la durée écoulée depuis le début de la chute ni du chemin parcouru pendant ce temps, mais de la distance du corps pesant au centre du Monde. Les observations les plus courantes suffisaient à prouver qu’une telle conséquence était grossièrement erronée ; nous ne voyons pas, cependant, qu’aucun maître de Scolastique en ait fait la remarque avant Richard de Middleton ; mais celui-ci a donné à cette remarque une précision extrême.

Voici, en effet, ce que le Franciscain anglais écrivait[1], dans les dernières années du xiiie siècle, en commentant les Livres des Sentences :

« Certains prétendent que les corps sont mus par une vertu émanée du lieu opposé à leur lieu naturel, vertu qui les repousserait.

» Mais on ne peut dire que ce soit là la cause propre du mouvement des corps pesants ; plus, en effet, ces corps seraient éloignés du centre, plus ils se mouvraient rapidement, car ils seraient plus fortement atteints par la cause qui les meut ; or, il est certain que le mouvement des corps graves ou légers est plus rapide vers la fin qu’au commencement.

» D’autres disent que la cause de leur mouvement est une vertu attractive émanée du lieu naturel, en sorte que le mouvement des éléments vers leur lieu propre est un mouvement de traction.

» Mais, à l’encontre de cette opinion, on peut produire l’argument que voici : Le Commentateur dit qu’une attraction en laquelle le corps attirant demeure immobile, tandis que le corps attiré est seul en mouvement n’est pas une attraction réelle et véritable ; en ce cas, le corps attiré se meut de lui-même vers le corps attirant, afin d’atteindre sa perfection, tout comme la pierre se meut vers le bas et le feu vers le haut. »

1. Clarissimi theologi Masgistri ricardi de media villa Seraphici ord. min. converti. Super quatuor libros Sententiarum Pétri Lombardi Quæstiones subtilissimæ. Nunc demum post alias editiones diligentius, ac laboriosius (quod fieri potuit) recognitæ, et ab erroribus innumeris castigatæ, necnon conclusionibus, ac quotationibus ad singulas Quæstiones adauctæ, et illustratæ, a R. P. F. Ludovico Silvestrio a S. Angelo in Vado, Doctore Theologo, et ejusdem institut ! professore. Cum indice generali, ac locupletissimo totius operis. Ad Illustrissimum et Reverendiss. D. D. Marcum Antonium Gonzagam, Marchionem, Principemq. Rom. Imperii, et Episcopum Casalensem. Brixiæ, de consensu Superiorum, MDXCI. Lib. Il, dist. XIV, art. III, quæt. IV ; tomus secundus, p. 180.

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