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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE


IV
Ce n’est pas la distance d’un grave a son lieu naturel
qui détermine la vitesse de chute de ce grave.
Richard de Middleton


Revenons à la chute accélérée des graves et au débat suscité par l’explication de ce phénomène.

Les propositions formulées par les divers auteurs qui ont pris part à ce débat pourraient, dans le langage de la Mécanique moderne, se formuler à peu près ainsi :

Selon Thémistius et ses sectateurs, le poids d’un grave varie avec la distance de ce grave au centre du Monde ; il diminue lorsque cette distance augmente ; les affirmations de Simplicius reviennent à déclarer que le poids est inversement proportionnel à la distance au centre.

Selon Averroès, si une force d’attraction augmente lorsque le mobile se rapproche du centre attirant, cette force doit s’annuler lorsque la distance du mobile au centre surpasse une certaine limite ; c’est, croit-il, ce qui a lieu pour l’attraction exercée par l’aimant sur le fer ; il admet, d’autre part, qu’une pierre demeure pesante à toute distance du centre du Monde ; il faut donc que le poids de cette pierre demeure indépendant de la distance au centre du Monde.

Par une synthèse des deux opinions, Roger Bacon admet que le poids d’un grave est la somme de deux forces : l’une de ces forces est indépendante de la distance du grave au centre du Monde ; l’autre est nulle tant que cette distance surpasse une certaine limite ; lorsque, inférieure à cette limite, cette distance diminue, la seconde force devient de plus en plus grande.

Ces discussions ont été d’un grand intérêt en ce qu’elles ont habitué les philosophes à considérer des forces attractives variables avec la distance ; au jour où les Képler et les Gilbert tenteront de fonder une Mécanique céleste sur l’emploi de telles forces, ils trouveront, soigneusement conservées par l’enseignement des Écoles, les idées que les discussions du xme siècle avaient analysées et éclaircies, et ces idées fourniront les matéraux premiers et essentiels de leurs théories.

Mais en revanche, la théorie de Thémistius, inspirée par