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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Certains disent que la force [projetante], affaiblie, ne suffît pas au mouvement, mais qu’elle empêche la descente.

» À cela je réponds :… Vous admettez l’existence d’une disposition qui va s’affaiblissant. Si cette disposition demeurait un certain temps sans éprouver d’affaiblissement, votre raisonnement pourrait tenir. Mais si elle va s’affaiblissant, [et si, pendant la première moitié du temps de repos que vous considérez, elle suffît à empêcher la chute du projectile], elle n’y suffira plus pendant la seconde moitié de ce temps ; et ainsi à l’infini. »

Ces remarques si précises méritaient de faire bonne et rigoureuse justice du prétendu repos intermédiaire ; mais les erreurs ont la vie dure ; et, de celle-ci, nous verrons de multiples résurrections.

Meyronnes, d’ailleurs ne se débarrasse pas de toutes les idées fausses qui encombraient la Dynamique de son temps. Dans la question même que nous venons d’analyser, il fait allusion à la théorie qui attribue à l’air ébranlé la persistance du mouvement des projectiles. Nous avons dit[1] qu’en une autre question, il enseignait formellement cette théorie et qu’en sa faveur, il citait l’argument suivant : « Nous voyons que le mouvement prend de la force à une certaine distance ; en effet, lorsque celui qui le lance est tout près, le mobile est mû d’un mouvement plus faible. » Au sujet de la prétendue accélération initiale du mouvement des projectiles, Meyronnes partageait donc le préjugé d’Aristote et, de ce phénomène illusoire, il donnait la même explication que Saint Thomas d’Aquin.

Tout en attribuant à l’agitation du milieu nombre d’effets qu’elle ne saurait produire, notre auteur ne suit pas Averroès jusqu’au bout de ses divagations ; il n’admet pas que l’air ébranlé soit la cause de la chute des graves. Traitant des diverses explications de la pesanteur, il écrit[2] :

« Certains disent que le grave meut le milieu et, par cet intermédiaire, se meut lui-même.

» À quoi je réponds : La division du milieu a pour cause la chute du grave ; la division du milieu n’est donc pas la cause de la chute du grave.

» En second lieu, les corps qui sont mus de cette façon sont mus de mouvements violents ; [les graves qui tombent seraient

  1. Vide supra.
  2. Francisci de Mayronis Op. laud., lib. II, dist. XIV, quæst. VI : Utrum gravia et levia moveantur a propria forma intrinseca. Ed. cit., fol. 151, col. a.