Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

François de Meyronnes s’en prend à Aristote. Il montre, d’abord, par des exemples tirés de l’Astronomie, que deux mouvements, que deux changements opposés ne requièrent aucunement un repos intermédiaire :

« La lumière de la Lune subit un accroissement, puis un déclin, selon que la Lune s’éloigne ou s’approche du Soleil ; mais entre ces deux actes contraires, on ne saurait assigner un arrêt intermédiaire ; la lumière de la Lune augmente tandis que la Lune s’approche du Soleil et décroît durant que les deux astres s’éloignent l’un de l’autre ; mais on ne saurait donner un temps pendant lequel la Lune ne serait pas en train de s’approcher ou de s’éloigner du Soleil…

» Une même planète tantôt s’approche du Soleil et tantôt s’en éloigne, sans aucun repos intermédiaire. Direz-vous qu’il s’agit seulement d’un mouvement apparent dû à la diversité des positions relatives ? L’objection ne vaut pas ; car il y a bien là deux mouvements contraires, et il n’y a pas de repos intermédiaire… »

» Je dis donc que le mobile n’est à son terme que durant un état instantané (mutatum esse)… Mais alors le même mobile ne se meut-il pas, en même temps, de deux mouvements contraires ?… Je dis que les deux mouvements contraires ne sont pas simultanés ; le premier mouvement a pour mesure le temps qui précède [cet instant terminal], et le second mouvement a pour mesure le temps qui suit ; au terme même, il n’y a ni repos ni mouvement. »

Le bon sens de François de Meyronnes a fait justice des paralogismes d’Aristote.

Mais notre franciscain s’en prend aussi à Walter Burley. Celui-ci, pour expliquer le prétendu repos qui sépare la descente d’un projectile de l’ascension, avait tenu ce langage :

« Plus tard, à la fin du mouvement [ascensionnel], la vertu violente est tellement affaiblie qu’elle ne suffit plus à mouvoir le mobile dans la même direction ; elle suffît seulement à le maintenir au lieu qu’il occupe ; elle lui donne alors un repos violent. »

Voici en quels termes Meyronnes met à nu le vice caché de cette explication :

« Je jette une pierre en l’air et je pose la question suivante : Si cette pierre demeure en repos [au sommet de sa course], la cause du repos ne sera-t-eDe pas la même que celle du mouvement ?