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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

philosophes qu’on rassemble pour démontrer cette proposition sont sans valeur.

» Avicenne, au deuxième chapitre du IXe livre de sa Métaphysique prouve cette proposition de la manière suivante : Tout mouvement naturel va d’une certaine disposition naturelle ou d’un certain terme à un certain autre terme. Mais le mouvement du Ciel ne va pas d’un terme à un autre. Donc etc.

» Mais cela ne vaut pas ; on pourrait répondre, en effet, que le principe admis n’est vrai que du mouvement de translation.

» D’autres ont donné cette preuve : La nature est déterminée à quelque chose d’unique ; lorsqu’elle le possède, elle demeure en repos. Mais le mouvement du Ciel n’est pas déterminé à quelque chose d’unique.

» Cet argument n’est point véritable. En effet, lorsqu’on dit : La nature est déterminée à quelque.chose d’unique, ou bien on veut dire qu’elle est déterminée à quelque chose d’individuel, et dans ce cas, c’est faux ; ou bien on veut dire qu’elle est déterminée à une seule manière d’agir ; cela, je l’accorde ; mais, de cette façon-là, le Ciel est déterminé, car il a une seule manière d’agir ; c’est-à-dire de mouvoir.

» D’autres raisonnent ainsi : Tout ce qui est mû naturellement vers un certain terme, et qui a quelque principe intrinsèque pour cause efficiente de ce mouvement, revient ou s’écarte de ce terme par mouvement violent ; mais lorsque le Ciel revient ou s’éloigne de quelque position, de quelque ubi, ce n’est pas par mouvement violent ; donc etc.

» Mais cela non plus n’a pas de valeur. Quand on dit : Tout ce qui est mû naturellement vers un certain terme etc., ou bien, par terme, on entend un terme ultime ; dans ce cas, j’accorde cette majeure ; ou bien on entend un terme intermédiaire ; dans ce cas, je la nie ; un mobile, en effet, se meut naturellement vers un terme intermédiaire ; mais cependant, ce n’est pas par mouvement violent qu’il le quitte. Alors, à la mineure je fais cette réponse : Comme le Ciel se meut d’un mouvement de rotation, où donc est le terme ultime ?

» Je prouve donc notre proposition d’une autre manière, et voici comment :

» Je considère une partie du Ciel, soit A, et deux de ses positions, soient B et C, et je forme cet argument :

» Ou bien A est, par nature, également apte à se mouvoir vers B et vers C, ou bien il n’en est pas ainsi, mais A se meut vers un de ces deux termes plutôt que vers l’autre. Quelque soit