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LA PREMIÈRE CHIQUENAUDE

le parti qu’on adopte, je prouve que ce mouvement ne provient pas de la forme du Ciel.

» Imaginons qu’on admette la première supposition : Par nature, A est également adpte à se mouvoir vers chacun de ces deux lieux. Si on place A au milieu entre deux, A ne se meut naturellement ni vers l’un ni vers l’autre ; et si A se meut, [hors ce cas], vers l’un des deux lieux, il se meut vers celui dont il est le plus voisin. C’est ce que montre avec évidence le mouvement des graves et des corps légers. Si donc A se meut également vers B et vers C, il faut aussi qu’il demeure naturellement en repos au milieu entre B et C. Or cela est faux. Donc etc.

» Direz-vous que, par nature, A est plus apte à résider en un de ces termes qu’en l’autre ? Dans ce cas, si on le place dans le premier, il ne pourra, si ce n’est par mouvement violent, se mouvoir vers le terme vers lequel sa nature le rend moins apte à se mouvoir, ou bien où elle le rend moins apte à résider. Mais cela est faux. Donc etc.

» Ce raisonnement paraît conclure que le Ciel est mû par une intelligence ; mais elle ne le meut point nécessairement, comme les philosophes l’ont pensé ; elle le meut d’une manière contingente.

» Cette nouvelle proposition, je la déduis d’une manière semblable.

» Cette intelligence, en effet, ou bien sa nature la rend également apte à mouvoir une partie du Ciel, A par exemple, vers B et vers C ; ou bien il n’en est pas ainsi, mais elle est plus apte à mouvoir A vers l’un de ces lieux que vers l’autre.

» Qu’on se donne la première supposition. J’argumente ainsi : Aucun moteur agissant d’une manière nécessaire, également apte à mouvoir son mobile vers deux termes, ne se déterminera de lui-même à le mouvoir vers l’un d’eux. Si donc une certaine partie du Ciel est déterminée à se mouvoir vers B et vers C, et si cette détermination est égale de part et d’autre ; si, en outre, l’intelligence, par sa nature, est également apte à mouvoir cette partie du Ciel vers chacun de ces deux termes, il en résulte que l’intelligence agissant d’une manière nécessaire ne pourra se déterminer à mouvoir le Ciel vers un des deux termes plutôt que vers l’autre ; il faudra donc qu’elle le meuve vers tous deux à la fois, ce qui est impossible, ou bien qu’elle ne le meuve ni vers l’un ni vers l’autre. Donc etc.

» Si l’on se donne, au contraire, la seconde supposition, j’argumente comme suit : Tout moteur qui meut quelque mobile