Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
356
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

La première proposition que l’auteur s’attache à établir, c’est celle-ci[1] : « Les corps du nom inférieur sont régis par Dieu au moyen des corps célestes. » Quelques-unes des preuves invoquées se peuvent, par l’intermédiaire du Livre des causes ou d’Avicenne, se rattacher à la tradition néo-platonicienne ; mais la partie essentielle de l’argumentation reproduit celle qu’Aristote avait donnée à la fin du viiie livre de sa Physique.

Mais à ces preuves philosophiques, Thomas d’Aquin, afin d’établir l’orthodoxie de sa doctrine, joint le recours à l’autorité des Docteurs catholiques[2] ; il cite divers textes, parmi lesquels ceux-ci, qui sont de Denys le pseudo-Aréopagite, et qu’il reprend souvent dans ses autres ouvrages :

« Les essences célestes intellectuelles[3] émettent d’abord en elles-mêmes l’illumination reçue de Dieu ; puis elles nous transmettent les manifestations qui nous sont supérieures. »

« Le Soleil confère le pouvoir d’engendrer aux corps visibles[4] ; il les meut vers la vie, les nourrit, les accroît, les perfectionne, les purifie et les renouvelle. »

Pour rendre chrétienne la supposition que les astres meuvent les corps de ce bas monde, ces textes peuvent sembler des preuves médiocres. Thomas d’Aquin s’en contente.

Dans la Somme contre les Gentils, il se borne à déclarer que Dieu gouverne les corps du monde sublunaire par l’intermédiaire des corps célestes ; il ne pénètre pas dans le détail de ce gouvernement ; il le fait dans d’autres ouvrages.

Dieu, ne se borne pas à gouverner les corps inférieurs par l’intermédiaire des corps supérieurs, mais encore il gouverne les créatures corporelles par les créatures raisonnables. « Parmi ces créatures[5], les plus proches de Dieu sont les créatures raisonnables, qui sont, vivent et connaissent à la ressemblance de Dieu ; aussi la divine Bonté leur confère-t-elle non seulement le pouvoir d’influer sur les autres êtres, mais encore le privilège de garder le mode même d’influence que Dieu emploie, le pouvoir d’influer d’une manière volontaire et non par nécessité de nature. Dieu gouverne donc, toutes les créatures

  1. Sancti Thomæ Aquinatis Summa contra Gentiles, lib. III, cap. LXXXII : Quod inferiora corpora reguntur a Deo per corpora cælestia.
  2. Sancti Thomæ Aquinatis Op. laud., lib. III, cap. LXXXIII : Epilogus prædictorum.
  3. Dionysii Areopagitæ De cælesti hierarchia, cap, III.
  4. Dionysii Areopagitæ De divinis nominibus, cap. III.
  5. Sancti Thomæ Aquinatis Quæstio disputata de providentia, art. VIII : Num universa corporalis creatura divina Providentia gubernatur media angelica creatura.