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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

mination ; il lui faut aussi exécuter ce qu’il a décidé de faire ; dans l’une comme dans l’autre de ces opérations, il peut être soit aidé, soit empêché par les causes supérieures.

» Il est dans son choix comme nous l’avons dit précédemment, soit parce que les corps célestes le prédisposent à faire un certain choix, soit que la garde des anges éclaire son intelligence, soit que l’opération divine l’incline dans un certain sens.

» Il l’est aussi dans l’exécution de sa décision parce qu’une cause supérieure lui peut communiquer la force et l’efficace propres à accomplir son choix. Cette efficace lui peut venir non seulement de Dieu ou des anges, mais aussi des corps célestes, en tant, du moins, que cette efficace est susceptible de résider dans un corps. Il est manifeste, en effet, que Jes corps inanimés eux-mêmes peuvent recevoir des corps célestes certaines forces, certaines efficaces en sus de celles qui résultent des qualités actives et passives des éléments ; il n’est pas douteux, d’ailleurs, que celles-ci même ne soient soumises aux corps célestes ; si l’aimant attire le fer, il le doit à une vertu du corps céleste ; de même en est-il d’autres vertus occultes que possèdent certaines herbes et certaines pierres. Rien n’empêche donc qu’un homme tienne de l’impression faite par le corps céleste quelque efficace, propre à l’exécution de certaines opérations, que les autres n’ont pas ; qu’un médecin, par exemple, ait une efficace particulière pour guérir, un cultivateur pour planter, un soldat pour vaincre. »

Nous avons ici une justification complète et systématique des croyances dont se réclament les astrologues ; celui qui, par un horoscope, juge si un homme est bien né ou mal né ; celui qui, par l’inspection des astres, prétend découvrir les trésors cachés peuvent également s’autoriser de Saint Thomas d’Aquin.

Celui-ci, d’ailleurs, déclare formellement qu’il est licite de recourir aux prédictions des astrologues pourvu qu’on ait soin de sauvegarder le libre arbitre.

« Sachez tout d’abord, écrit-il à un de ses frères en Saint Dominique[1], que la vertu des corps célestes va jusqu’à produire des changements dans les corps d’ici-bas. Aussi Saint Augustin dit-il, dans La Cité de Dieu : « On peut prétendre sans une » absurdité absolue que certaines influences astrales atteignent » les seules propriétés des corps. » Il n’y a donc aucun péché

  1. Sancti Thomæ Aquinatis Opusculum XXVI : De judiciis astrorum ad fratrem Reginaldum Ordinis Prœdicatorum, socium suum charissimum.