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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/414

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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

Celui qui écrivait cette remarquable page avait lu les Confessions et s’en souvenait. Mais Saint Aûgustin s’écriait, à la fin de sa méditation : « D’où cette Matière première, en quelque sorte qu’elle fût, pouvait-elle tenir son origine sinon de vous, mon Dieu, de qui toutes choses procèdent en tant qu’elles sont ? » À ce cri, notre « astrologien » s’est bien gardé de faire écho.

Par ce qui précède, on devine assez clairement, croyons-nous, quel est l’état d’esprit de l’astrologue de Baudoin de Courtenay ; ses préférences, toutes païennes, vont à une philosophie très voisine du Néo-platonisme plotinien ; mais il évite de se déclarer trop ouvertement en faveur de cette doctrine ; à l’autorité ecclésiastique qui lui chercherait noise, il pourrait répondre qu’il s’est contenté d’exposer l’opinion d’autrui.

La théorie philosophique qu’il paraît adopter le met à l’aise pour s’occuper d’Astrologie judiciaire. Il a donc pleine confiance dans la portée de cette Science.

Il la croit fondée sur l’observation, suivant les règles les plus justes de l’induction ; ces règles, qu’il a lues dans les Seconds Analytiques, il les rappelle en termes très exacts[1] :

« Coment art et science fu trouée. — Einsit poez savoir, si cum vos avez entendu desus, que, de plusors foiz que li home f virent et aperçurent et sentirent les natures des choses, vint, de plusors veues et de plusors sens, un expériment ; et quant il orent espérimenté plusors foiz les choses, de plusors expérimenz vint une mémoire ; et quant il orent plusors remembrances des choses qui avoient esté espérimentées par meintes foiz, de plusors mémoires vint un universel, que tint cil qui enquèroient et encerchoient la vérité ; et forent par expériment et par mémoire de plusors sages que einsit estoit universelment cum il estoit encerchié, et que ce ne pooit fallir ; et cist universel fu comencement de art et de science. »

À partir de ce commencement, par quelles-étapes la Science astrologique est parvenue au degré de perfection où la voit notre auteur, c’est ce qu’il redit dans une histoire aussi sommaire que fantaisiste. La méthode qu’elle a suivie pour se développer eût donné, à ses procédés, une pleine certitude et une infaillible clairvoyance, si le nombre et la complexité des effets dont elle doit tenir compte n’excédait, parfois, les forces départies à l’intelligence humaine.

  1. M.s cit., fol. 7, col. d.