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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« Einsit[1] avient en cest art de Astronomie ; quar cum la fins en soit à faire certains jugemenz des fortunes des choses ça dessouz, et des natures, et par quoi elles se varient, nequedent la vie de l’homme ne sofïist mie à comprendre touz les cours et les muemenz et les variations des célestians cors et des estoiles, par quoi li hom ne sufïist à faire certains jugemenz des fortunes et des variations des choses qui aviènent,

» Mais, totes voies, selone ce que le humaine raison poet comprendre les natures des choses, li sages hom poet multos aidier, par la devine volenté o son soutil engin, à conoistre le avènement et la variation et le changement des bones fortunes et des males.

» Dum, sicum dit Ptholomeus en son Centiloque, li boens astrologiens poet moult déveer de ce qui est à avenir à le home selone le cours des estoiles, quant il set sa nature et sa complexoin. Quar il garnist celui qui le mal doit avoir et soffrir, si qu’ille suefïre plus légièrement. Et ce véons-nos que uns mal ne tient mie melment à deux homes qui ne sont d’une complexion ni d’une nature. Dum, quant li sages, astrologiens se doute qu’il ne viègne mal à aucun, il torne tant cum il puet sa complexion au contraire de la nature dum li mais li doit avenir, si qu’il ne li puet si grever, cum s’il li venoit desporvenement[2].

» Quar quant aucuns enfès[3] naist, dum nos regardons la nativité qui a bien atrempée complexion, et nous véons que aucune enfermetez li doit avenir de la nature Martis[4], qui est chauz et sès ; nos li tornerons sa complexion à froidure par diète de froides choses ; si que l’enfermetez, quant èle li vendra, la tornera à atempérance.

» Et autresi overra li astrologiens en ces autres planètes, là où il saura que li mais devra venir de lor nature et de lor complexoin. »

À la portée, donc, de l’Astrologie judiciaire, notre auteur n’impose aucune limite. Ce n’est pas par le défaut de cette science, c’est seulement par la brièveté de sa vie et la faiblesse de son entendement que « l’homme ne suffît mie à faire certains jugements des fortunes et des choses qui adviennent. »

Sans doute, il admet que « le bon astrologien peut moult dévier de ce qui est à advenir à l’homme selon le cours des

  1. Ms. cit., fol. 8, col. a et b.
  2. desporvenement = au dépourvu.
  3. enfès — enfant.
  4. de la planète Mars.