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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

conforme à celui que ces orbes sont aptes à éprouver, à celui que leur nature est capable de recevoir ; et les corps inférieurs, à leur tour, seront changés à leur façon, conformément à l’aptitude qu’a leur nature à être changée.

» Puis donc que la nature céleste est exempte de toute contrariété [entre les formes qu’elle reçoit], les orbes éprouvent un changement que n’accompagnera pas une telle contrariété. Au contraire, comme la nature des choses d’ici-bas peut être conjointe à des formes opposées, elle pourra recevoir ce m$me changement de telle sorte qu’il produise, en elle, le passage d’une forme à la forme opposée. »

Ces principes permettent à Gilles de Rome de résoudre la difficulté dont il avait souci.

« Pour rendre plus intelligible ce qui précède, ajoute-t-il, nous dirons qu’à l’égard de l’influence et du changement produits dans les choses d’ici-bas par les corps célestes, les luminaires jouent le principal rôle ; les orbes en sont, pour ainsi dire, les instruments… Ainsi donc la qualité par laquelle un luminaire céleste est apte à transformer les choses d’ici-bas réside dans ce luminaire, à titre principal, d’une manière réelle et stable ; dans l’orbe, au contraire, qui, à l’égard de ces sortes de changements, joue le rôle d’une sorte d’instrument, cette qualité se trouve sous l’aspect d’un certain mouvement, de quelque chose qui passe (secundum quemdam transitum)… Puis, de même qu’au sein des luminaires, il y a une certaine qualité réelle par laquelle ils produisent un changement, dans les choses d’ici-bas, on devra trouver une certaine qualité réelle par laquelle ils éprouvent, de la part de ces luminaires, un changement réel. »

C’est encore par un souci de physicien que Gilles s’arrête à une seconde difficulté[1], qui est la suivante :

« Tous les luminaires célestes reçoivent leur, lumière du Soleil ; ils n’agissent donc sur les choses d’ici-bas que par la lumière qu’ils reçoivent du Soleil ; puis donc que cette lumière provient d’un seul et même principe, les luminaires doivent tous, semble-t-il, agir de la même manière ; or nous voyons la variété des changements et des altérations qu’ils produisent dans les corps d’ici-bas ; de là naît une difficulté.

« Lors même qu’on admettrait que les luminaires célestes ne produisent aucun changement, si ce n’est par la lumière qu’ils

  1. Gilles de Rome, loc. cit., dubit. 2a ; éd. cit., fol. sign. ee 3, col. c et d.