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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

reçoivent du Soleil », cette difficulté se pourrait encore résoudre et l’Archevêque de Bourges demande encore à la Physique la comparaison qui en suggère la solution. Bien qu’éclairés par une même lumière, des corps divers produisent sur la vue, des impressions différentes et déterminent des sensations diversement colorées, parce qu’ils ne reçoivent pas de la même façon cet éclairement identique.

Gilles, poursuivant cette analyse de l’action exercée par les corps célestes sur les corps sublunaires, veut déterminer de quelle manière, per quem modum, cette action s’exerce ; de là la troisième difficulté soumise à son examen[1]. C’est toujours à la Physique sublunaire qu’il demande de lui suggérer les solutions qu’il propose.

« Dans les choses de ce bas-monde, dit-il, nous voyons des modes multiples d’actions et de passions. » Nous observons, d’abord, les vertus communes des éléments, qui sont le chaud et le froid, le sec et l’humide ; par ces vertus, les éléments eux-mêmes et les mixtes qu’ils forment agissent et pâtissent…

» Mais nous voyons également, ici-bas, certains effets qui ne se laissent pas ramener à ces quatre qualités. Ainsi l’aimant attire le fer dans diverses directions, et cette attraction ne se peut réduire aux quatre qualités que nous avons nommées ; nous disons donc qu’il y a, dans l’aimant, une certaine vertu qui est une conséquence de sa forme spécifique, et que l’attraction est produite par cette vertu ; au lieu de dire que cet effet provient d’une vertu qui est une conséquence de la forme spécifique et, par conséquent, de l’espèce tout entière, on aime mieux dire, en général qu’il provient de l’espèce considérée en sa totalité. »

Gilles de Rome, suivant en cela la pensée que Bacon aimait à développer, qu’il appliquait, en particulier, au mouvement des graves, Gilles, disons-nous, admet qu’une telle vertu spécifique est incapable d’agir par elle-même ; il faut que l’influence céleste la mette en état d’exercer son action. « Les éléments… et tous les corps inférieurs qui possèdent une vertu quelconque sont des sortes d’instruments des corps célestes ; ceux-ci, à leur tour, sont comme les instruments des intelligences qui les meuvent ; or, de même qu’un instrument ne

  1. Gilles de Rome, loc. cit., dubit. 3a ; éd. cit., fol. sign. ee 3, col. d, et fol. sign. ee 4, col. a.