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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

quelque chose de tel, il ne doit pas déclarer de suite que cet effet se produira ; il doit, en outre, considérer si la matière est, ici-bas, bien disposée ou mal disposée à cet effet ; car, si la matière est mal disposée, il pourra arriver que cet effet soit empêché.

» Lorsque Saint Jean Damascène écrit : Nous ne disons pas que les astres sont causes des événements qui se produisent ici-bas, il lui faut répondre : Ils n’en sont point causes nécessaires, car, à leurs effets, il peut être mis obstacle, et il se peut qu’ils ne produisent pas leurs effets ; on les peut donc appeler causes susceptibles de défaut (causæ déficientes). »

Même dans le monde des corps sublunaires, même en des circonstances, la production de la pluie, par exemple, où aucune volonté libre n’intervient, Gilles ne croit pas à un déterminisme absolu régi par les corps célestes ; comme Albert le Grand, comme Saint Thomas d’Aquin, il attribue à la matière et aux corps qui en sont issus une certaine faculté de se soustraire capricieusement à l’efficace des astres.

« Les luminaires du Ciel ont-ils quelque action sur notre libre arbitre ? » Il n’est pas nécessaire de rapporter ce que Gilles développe au sujet de cette question[1] ; on n’y trouverait rien qui n’eût été dit avant lui, notamment par Saint Thomas d’Aquin. Contentons-nous de citer cette conclusion, qui manifestera l’accord de l’Archevêque de Bourges avec les théologiens qui l’ont précédé.

« En ce qui concerne notre libre arbitre, nous ne sommes directement soumis qu’à Dieu seul. Mais nous pouvons éprouver une sujétion indirecte, par exemple par la persuasion ; un homme ou un ange peut nous persuader et, par là, mouvoir notre volonté. Nous pouvons encore éprouver une sujétion indirecte si, dans notre corps, quelque effet est produit par quoi nous nous trouvions aisément inclinés à tel acte ; lorsqu’en effet, le corps est disposé en faveur d’une certaine passion, l’âme incline facilement vers cette passion ; de cette façon donc, en échauffant notre corps, les corps célestes nous peuvent incliner à quelque acte illicite ; les corps d’ici-bas le peuvent également ; la nourriture et la boisson, prises en abondance et produisant un excès d’alimentation nous inclinent à certaines actions illicites. »

Dans le commentaire sur le second livre des Sentences

  1. Ægidii Romani Op. laud., quæst. princip. cit., quæst. 3a : Utrum luminaria cælestia habeant aliquid efficere ad liberum arbitrium ; éd. cit., fol. sign. ee 4, col. d, et fol. suivant, col. a, b et c.