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LES ADVERSAIRES DE L’ASTROLOGIE

et les grands comme le peuple, interrogeaient à l’envi les astres, et espéraient y découvrir le secret de leurs destinées. De là tant d’horoscopes, les uns favorables, les autres sinistres, qui ont ému alors les imaginations, et dont quelques-uns, conservés dans les manuscrits, sont parvenus jusqu’à nous, comme un témoignage irrécusable de la crédulité de nos pères. Telle est l’impuissance ordinaire des efforts de la sagesse dans des controverses contre les erreurs invétérées. Si, de nos jours, malgré les leçons de l’expérience, après tant d’admirables découvertes qui ont répandu des flots de lumière sur la nature et sur l’homme, nous ne sommes pas affranchis complètement du joug des superstitions populaires, qui s’étonnera qu’au xive siècle, avant Copernic, avant Descartes et Newton, la parole judicieuse d’un écrivain sensé et honnête, tel que fut Nicole Oresme, n’ait pas suffi pour avoir raison de l’Astrologie judiciaire. »

Fruit de l’antique civilisation chaldéenne, l’Astrologie avait ravi les Grecs dès qu’elle leur eût été révélée ; depuis Théophraste, presque tous les philosophes l’avaient reçue avec admiration ; le Péripatétisme, le Stoïcisme, le Néo-platonisme y vovaient à l’envi l’aboutissant naturel de leurs diverses cosmologies ; les sages musulmans reconnaissaient dans les astres les caractères à l’aide desquels Allah avait écrit d’avance la destinée fatale de chacun de nous ; implacable adversaire de ce fatalisme, l’Église catholique accordait cependant à l’astrologue le droit de tout juger, sauf les futurs contingents dont l’avènement dépend de Dieu et de notre libre arbitre. Comment les efforts d’un seul homme, fût-ce d’un homme de génie, eussent-ils suffi à ruiner une doctrine vieille de tant de siècles et forte de telles autorités ? Ne soyez donc pas surpris qu’Oresme n’ait pas balayé l’Astrologie de la face du monde. Contentons-nous d’examiner si la campagne qu’il a menée contre cette superstition n’a pas été de quelque effet aussitôt après lui, et parmi ceux qui devaient le mieux connaître ses écrits, parmi les maîtres de l’Université de Paris.

Après Nicole Oresme, au temps d’Henri de Hesse, il y eut

1. Concordantia astronomie cum theologia. Concordantia astronomie cum hystorica narratione. Et elucidarium duorum precedentium, domini Petri de Aliaco Cardinalis Cameracensis. Colophon : Opus concordantie astronomie cum theologia necnon hystorice veritatis narratione explicit féliciter magistri Joannis angeli viri prudentissimi diligenti correctione. Erhardique Ratdolte mira imprimendi arte : qua nuper Venetiis nunc Auguste vindelicorum excellit nominatissimus.

2. Vigintiloquium de concordantia astronomice veritatis cum theologia Domini Petri de Aliaco Cardinalis Cameracensis, viginti continens verba, feliciter incipit.