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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

des religions et des empires, dans l’humanité, proviennent toujours des grandes conjonctions.

» Je serais heureux que Pierre d’Ailly eût écrit des livres que je pusse louer, et non des propos qu’il me faut réfuter ; je l’aime, en effet, pour son esprit versé aux belles lettres et je vénère le personnage qu’il a joué dans l’Église. Mais la besogne que je dois accomplir lui sera peut-être agréable à lui-même ; il a écrit, en effet, qu’il voulait être utile à l’Église, encore qu’il ait manqué de circonspection et qu’il se soit trompé ; puis donc qu’il se trouve avoir été erroné et dangereux, que notre juste réfutation fasse, autant qu’il dépendra de nous, oublier ce qu’il a dit.

» Ce qui a conduit cet homme, savant par ailleurs, à cette erreur, c’est, surtout, l’ignorance de l’Astronomie ; c’est aux études de Théologie qu’il s’était d’abord exercé dans la très célèbre Université de Paris ; il était déjà vieux lorsqu’il commença à goûter quelque peu à la science astrologique ; il fut alléché par l’apparence magnifique de cet art, qui disserte des plus grands sujets, de ceux que la curiosité humaine désire au plus haut point de savoir ; avant donc qu’un examen préliminaire lui eût fait reconnaître la faiblesse de cette doctrine, il écrivit, avec une hâte excessive, ces deux opuscules ; plus tard, un peu mieux instruit, il les a rétractés.

» Enfin, il a consigné nombre de choses dans ce petit livre qu’il nomme Éclaircissement (Elucidarium), bien qu’on y trouve beaucoup de ténèbres.

» Que tous ces petits livres tombent aux mains d’un lecteur ignorant de l’Astronomie ; il les admirera d’autant plus qu’il les comprendra moins. Mais quiconque aura, de cet art, même un médiocre usage, jugera que Pierre d’Ailly a été plus écrivain qu’astrologue et qu’il rapporte ses lectures plutôt que des connaissances dont il aurait vraiment compris la moëlle.

» Presque tout ce qu’il a écrit, il l’a tiré mot pour mot de Roger Bacon, d’Abraham le Juif [ben Ezra], d’Henri [Bate] de Malines, d’Albumasar, et de la somme composée par je ne sais quel Jean le Breton. »

Il se trouvait sans doute, à l’Université de Paris, des maîtres que l’exemple de Pierre d’Ailly persuadait de garder toute confiance à l’Astrologie. Mais cet exemple n’était pas tout puissant. D’autres partageaient, au moins jusqu’à un certain degré, la méfiance de Nicole Oresme à l’égard de l’art judiciaire ;