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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/112

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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

Que n’a-t-il fait de même au sujet de la chute accélérée d’un grave ! Hennon avait fort clairement expliqué comment, en un grave qui tombe, l’action de la pesanteur accroît sans cesse l’impetus et, partant, la vitesse de la chute. Au lieu de reproduire ces sages considérations, voici ce qu’écrit notre auteur[1] :

« Tout mouvement naturel rectiligne est plus vite à la fin qu’au commencement. Cela est évident de prime abord. En effet, plus une chose est proche de son but, plus fortement elle tend vers ce but. Or le terme du mouvement naturel rectiligne est le but cherché par le mobile. Plus donc le mobile est proche de son lieu, plus fortement il tend à ce lieu.

» Ce n’est pas cependant qu’une vertu soit ajoutée à celle qui meut le grave ; ce qui est ajouté, c’est seulement un certain effort (conatus) naturel de cette dernière vertu.

» De là résulte la fausseté des opinions qui attribuent l’accélération finale du mouvement naturel soit à une vertu attractive du lieu, soit à l’impetus que le mobile s’imprime à lui-même, soit au nombre des moteurs devenu plus grand [par suite de l’ébranlement d’une masse d’air plus considérable]. Un tel mouvement, en effet, ne serait pas purement naturel ; il serait en partie violent, car il serait, en partie, produit effectivement par une chose extrinsèque au mobile. »

Ce langage, on n’en saurait guère douter, est conforme à l’intention d’Aristote ; mais, tout comme celui qu’avaient tenu Georges de Bruxelles et Thomas Bricot, il est insoutenable ; depuis Richard de Middleton, tout le monde le savait à Paris ; du moins, de celui qui ne le savait pas, l’ignorance était inexcusable.

Le projectile est mû par l’impetus qui lui a été imprimé au moment du jet ; cet impetus s’affaiblit sans cesse parce qu’il lutte contre la tendance opposée de la pesanteur ; aussi la vitesse çlu projectile va-t-elle sans cesse en s’atténuant. À partir du milieu du xive siècle, ces propositions sont fort communément reçues à Paris.

Elles appellent une contre-partie ; si le mobile, au lieu de se mouvoir dans une direction opposée à celle de la pesanteur, se meut dans le sens où cette force le sollicite, l’action de la gravité, bien loin de détruire peu à peu Vimpetus, le doit accroître, en sorte que le mouvement doit aller en s’accélérant.

  1. Joannis Magistri Cæli et Mundi, lib. II, quæst. III, sciendum est primo… Ed. cit., fol. suivant le fol. sign. K. 4, col. a.