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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/150

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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

reproche… Les maîtres qui enseignent à la Faculté et sont chargés de la formation des jeunes gens sont rompus à cette méthode… Qu’on prenne deux élèves d’égale intelligence, aussi laborieux, aussi exercés l’un que l’autre ; qu’ils accordent un temps d’étude égal l’un à la méthode des Anciens, l’autre à la méthode des Modernes ; ils ne trouveront pas que la difficulté de celle-là l’emporte notablement sur la difficulté de celle-ci… Avant Buridan, cette doctrine des Anciens était universellement répandue dans les Universités… Après l’avoir délaissée pendant quelques années, l’Université de Paris en a regagné le giron… Aucune erreur, aucune hérésie, n’est, à notre connaissance, sortie jusqu’ici de cette doctrine… Ce n’est pas elle qui fut cause des erreurs de Jérôme de Prague, de damnée mémoire… Sa méthode est, au contraire, très propre à l’extermination des erreurs professées par les tenants de Jérôme de Prague et de Wiclef, comme les faits le montrent avec évidence dans notre Université de Cologne… Par contre, Buridan, Marsile, plusieurs de ceux qui combattirent avec eux pour la méthode des Modernes, furent des hommes éminents ;… aussi recevons-nous avec respect leurs opinions ; nous les coordonnons avec les opinions des Anciens ; par la combinaison des unes et des autres, dans la proportion qui nous semble opportune, nous obtenons de plus complètes solutions des questions douteuses… Si nous parcourons, d’ailleurs, les diverses Universités d’Allemagne, d’Italie, de France et d’Angleterre, nous n’en voyons aucune où les maîtres de la Faculté des Arts n’aient toute permission d’user de la doctrine de ces anciens maîtres… Si l’on promulguait l’ordre qu’on nous a communiqué, les écoliers quitteraient l’Allemagne d’un commun accord et se rendraient à Paris où cette doctrine est seule en vogue. »

La philosophie des Nominalistes n’était certainement pas aussi délaissée à Paris que les maîtres de Cologne le veulent bien dire ; mais il est clair qu’ils en étaient las et que les amples théories professées au xiiie siècle exerçaient, sur leur raison, une plus puissante séduction que l’âpre critique du xive siècle. En dépit des efforts de l’Archevêque-électeur, le Thomisme continua de gagner, dans la ville où Albert le Grand avait enseigné, tout le terrain que perdaient les doctrines d’Ôckam et de Buridan. Durant le dernier quart du xve siècle, nous trouvons, à Cologne, des écoles entières qui font profession de suivre, en toutes choses, l’opinion de Saint Thomas d’Aquin. Elles ne cessent pas, pour cela, d’être soumises à l’influence