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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/160

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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

docteurs, tout ce qui était vraiment fécond, tout ce qui ouvrait, dans la muraille péripatéticienne, quelque vue sur la science à venir.

Lambert de Heerenberg, d’ailleurs, dans ses Copulata sur les huit livres de la Physique, ne se montrait pas plus clairvoyant ; cependant, s’il s’attachait sans cesse aux théories désormais condamnées, il n’en pouvait accuser la fidélité qu’il se piquait de garder à l’égard de la doctrine thomiste ; à cette fidélité dont il faisait parade, il manquait très souvent, taisant, en bien des points, l’avis de Thomas d’Aquin pour admettre des thèses que le Saint n’avait pas soutenues ; il n’en pouvait accuser, non plus, son ignorance de la science parisienne, car on reconnaît souvent, dans son exposé, la trace des ouvrages nominalistes qu’il avait lus.

Du très médiocre enseignement que les étudiants de Cologne recevaient en Physique, contentons-nous de donner des exemples peu nombreux. Le lieu naturel des éléments, le lieu de la sphère suprême, l’existence du vide, le mouvement dans le vide, le mouvement des projectiles, la chute des graves sont les seules questions sur lesquelles nous fixerons un instant notre attention.


A. Le lieu naturel des éléments


Sur le lieu naturel des éléments, ies Sententiæ uberiores gardent le silence ; au contraire, les Copulata de Lambert s’étendent très longuement à ce sujet ; de leur discussion, nous mentionnerons seulement quelques passages intéressants.’

Comment, se demande-t-il[1], les éléments se peuvent-ils loger naturellement.les uns les autres, en dépit des propriétés par lesquelles ils sont contraires les uns aux autres ?

« Les éléments, répond-il, peuvent être pris de deux manières.

» D’une manière, on les peut considérer au point de vue de leurs qualités contraires ; de cette façon, au lieu de se loger les uns les autres, ils s’altèrent mutuellement ; ainsi le feu,’par sa sécheresse, est contraire à l’air.

» D’une autre façon, on prend les éléments comme ayant, l’un à l’égard de l’autre, une-certaine convenance ou un certain

  1. Lamberti de Monte Copulata circa octo libros phisicorum Arestotilis ; lib. IV : éd. cit, fol. lxxx, col. d.