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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/161

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

rapport ; et c’est de cette façon qu’ils se logent mutuellement.

» Ce rapport, ils le tiennent de quatre causes.

» Ils le tiennent, tout d’abord, de leurs formes substantielles ; en effet, lorsqu’il y a un ordre naturel entre les choses, il y en a également un entre leurs formes substantielles ; puis donc qu’il y a un ordre naturel entre les éléments, il y a un ordre naturel entre leurs formes substantielles.

» Il y a, en second lieu, la situation et l’ordre naturel des parties de l’Univers car, en vertu de ce qu’a institué l’Auteur de la nature, les choses supérieures conservent toujours celles qui sont au-dessous d’elles.

» Il y a, en troisième lieu, une vertu répandue par le premier des logis, qui est le Ciel ; cette vertu, reçue par l’élément supérieur, loge l’élément qui se trouve au-dessous de celui-ci.

» La quatrième cause, enfin, est la qualité symbole. En effet, bien que deux éléments s’altèrent mutuellement par leurs qualités contraires, ils ne s’altèrent cependant pas par leur qualité-symbole, c’est-à-dire par celle qui leur est commune. Par exemple, le feu et l’air se logent l’un l’autre ; en même temps, le feu et l’air ont, en commun, une certaine qualité qui est la chaleur. De même, l’air s’accorde avec l’eau par l’humidité et l’eau, qui loge la terre, s’accorde avec elle par le froid. »

Un tel exposé n’a rien de spécialement thomiste ; il accumule des considérations qui proviennent d’Aristote, d’Albert le Grand, de Roger Bacon autant et plus que de Saint Thomas d’Aquin.

L’influence de Roger Bacon va même se montrer prédominante ; la Nature universelle va tirer notre auteur de toutes les psoitions embarrassantes.

Il prévoit[1], en effet, cette objection, qui part, d’ailleurs, d’une idée fausse, mais très répandue au Moyen-Âge, au sujet des sources :

« On objecte que, parfois, l’eau monte hors de son lieu ; ainsi en est-il dans la génération des sources qui jaillissent dans les régions élevées des montagnes. Il semble donc que tout corps ne soit pas naturelleemnt porté vers son lieu.

» Il faut répondre que l’eau a deux sortes de mouvements.

» Un mouvement lui convient selon sa nature propre, c’est-à-dire selon la forme substantielle qui lui est propre. Par ce mouvement, l’eau descend toujours et ne monte jamais ; par sa propre nature, en effet, elle a son lieu autour de la terre, qui est le lieu d’en bas.

  1. Lambertus de Monte, loc. cit., fol. lxxxi. col. a.