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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/167

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

« Un semblable grave simple, mis dans le vide, y prendrait un mouvement successif ; ce qu’on prouve ainsi :

»… Dans le mouvement, la succession provient de plusieurs causes ; l’une d’elles est essentielle ; c’est la succession des termes en tout mouvement local. En un tel mouvement, en effet, il faut qu’il y ait deux termes et, entre ces deux termes, une succession ; il n’est pas possible que le mobile soit, tout ensemble, au terme de départ et au terme d’arrivée ; cela impliquerait contradiction ; au terme de départ, le mouvement n’est pas encore ou n’est pas achevé ; au terme d’arrivée, le mouvement est achevé ; or il est impossible qu’une même chose soit, tout ensemble, achevée et inachevée ; évidemment, donc, qu’un mouvement quelconque s’accomplisse en un instant, cela implique contradiction…

» Dans le mouvement, il est une autre cause de succession ; celle-ci est accidentelle ; c’est le retard qui provient du milieu. Le milieu, que le mobile traverse dans son mouvement, retarde ce mouvement, car il est nécessaire que ce milieu soit divisé.

» Si donc un grave simple est placé dans le vide, la seconde cause de succession dans le mouvement, la cause accidentelle, est supprimée ; mais la cause essentielle de succession dans le mouvement demeure encore et, par conséquent, le mouvement est encore successif. »


E. Le mouvement des projectiles et la chute des graves


Maintenir les étudiants de Cologne dans une confiance stupide aux enseignements les plus grossièrement erronés d’Aristote et d’Averroès, tel fut, semble-t-il, le but des Sententiæ uberiores. Nulle part cette intention n’apparaît plus clairement que dans les passages consacrés à la Dynamique par ce petit livre ; de la lumière que l’École de Paris, développant, sans doute à son insu, les enseignements de Philopon, avait répandue à flots sur cette partie de la Physique, les Sententiæ uberiores ne reçoivent même pas le reflet le plus pâle.

Depuis Richard de Middleton, on ne saurait compter tous ceux qui avaient signalé l’erreur grossière où Thémistius était tombé lorsqu’il avait prétendu rendre compte de la chute accélérée des graves ; de ce qu’une saine critique avait, depuis le temps de Saint Thomas, dit à ce sujet, les Sententiæ uberiores n’ont cure, et c’est à l’hypothèse de Thémistius qu’elles adhérent sans discussion.