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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/210

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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

formel, c’est la surface par laquelle le corps contenant confine au corps contenu. « La surface concave de l’orbe de la Lune est le lieu formel du feu ; le lieu matériel de ce même feu, c*est l’orbe de la Lune pris en son entier. »

Encore de cette distinction peu subtile n’est-il pas l’auteur ; elle lui a été fournie, nous le verrons, par Paul de Venise.

Après cela, on ne s’étonnera pas que Sunczel n’ait enrichi d’aucune solution originale ce que les Scolastiques avaient dit des problèmes difficiles que pose la théorie du lieu. Le lieu est-il mobile ou immobile[1] ? L’orbite suprême a-t-elle un lieu, et quel est-il[2] ? Ces questions sont simplement l’occasion, pour le nominaliste d’Ingolstadt, de résumer sous une forme sèche et vide de pensée les théories d’Albert de Saxe.

Mieux que ses prédécesseurs allemands, Josse d’Eisenach conserve le souvenir des discussions que Paris avait entendues au sujet du lieu.

En fidèle disciple d’Ockam, il pourchasse les entités et les rapports inutiles ; au nombre de ces complications superflues, il range la distinction du lieu matériel et du lieu formel. « Certains, dit-il[3], dans la signification du mot lieu, entendent un certain être matériel ou denominatum qui est la surface du corps contenant ; ils entendent, en outre, un certain être formel ou per se significatum ; ce dernier n’est pas une chose absolue ; c’est un certain rapport au corps logé ; ce rapport est distinct de toute chose absolue ; c’est l’ordre à l’égard de l’Univers, c’est-à-dire du premier corps contenant ou logeant, du Ciel ; ou bien encore c’est la distance aux pôles et au centre du Monde. Mais nous ne tombons pas d’accord avec ceux qui soutiennent cette opinion ; tous les rapports de ce genrs, nous les rejetons comme superflus… Nous dirons donc que le lieu, c’est la surface du corps contenant, sans qu’aucun tel rapport s’y ajoute. »

Ainsi notre auteur rejette la théorie de Saint Thomas et de Gilles de Rome.

Il aborde alors le problème de l’immobilité du lieu[4]. « Tout le monde, remarque-t-il, ne définit pas de la même façon l’unité, l’invariabilité et l’immobilité du lieu. Voici cependant deux points sur lesquels tous sont d’accord.

  1. Frédéric Sunczel Op. laud., lib. IV, quæst. III : Utrum locus sit immobilis.
  2. Frédéric Sunczel Op. laud., lib. IV, quæst. VI : Utrum’ultima sphera sit in loco.
  3. Judoci Isennachensis Summa in totam Physicen, lib. I, cap. IV : De loco. Fol. sign. b i, vo.
  4. Josse d’Eisenach, loc. cit., fol. sign. b i, vo, et fol. sign. b ij, ro et vo.