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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/211

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

» Si le corps logé garde le même ordre et la même situation à l’égard du centre et des pôles du Monde ou à l’égard de la concavité du Ciel ou à l’égard de quelque autre objet fixe, on dit que ce corps logé demeure immobile au même lieu, et cela lors même que changerait la surface du corps contenant ; ainsi en est-il d’un pieu fiché au sein d’un cours d’eau ou d’une tour entouré d’ün air que le vent agite.

» Lors même que la surface du corps contenant demeurerait la même, si la situation ou l’ordre dont nous venons de parler éprouve un changement, on dit que le corps logé est en mouvement, qu’il ne demeure pas dans un même lieu ; ainsi en est-il lorsqu’on transporte d’une ville à une autre le vin contenu dans un même tonneau. »

Après avoir discuté l’opinion de ceux qui veulent, avec Saint Thomas, rendre compte de ces opinions générales par la distinction du lieu matériel et du lieu formel, dont l’un peut demeurer immuable tandis que l’autre change, notre auteur poursuit :

« D’autres, comme Scot et ceux qui suivent son sentiment, disent que si la surface du corps contenant vient à être détruite ou changée, le rapport d’ordre ou de distance, dont cette surface était le sujet, se trouve également détruit ; en lui-même et réellement, il ne demeure pas numériquement le même, soit qu’on le considère comme matériel, soit qu’on le considère comme formel ; il est constamment autre qu’il n’était. Mais parce que le corps logé demeure toujours à même distance de quelque objet fixe, on dit qu’il demeure le même seulement par équivalence ; c’est afin de sauver tout ce qu’on dit du lieu aussi bien que s’il demeurait réellement un et identique à lui-même. En effet, pour sauver le repos du corps logé et tout ce qu’on dit du lieu et du corps logé, tous les lieux numériquement distincts qui se succèdent les uns aux autres valent exactement ce que vaudrait un lieu numériquement un qui serait permanent et immobile ; et c’est cela qu’on entend en disant que ces lieux divers et distincts sont un seul et même lieu par équivalence…

» On ne dit pas de tout corps qui est continuellement dans un nouveau lieu qu’il se meut de mouvement local ; on le dit seulement au cas où le corps se comporterait de cette façon même si le lieu était immobile, ou, en d’autres termes, si le corps est sans cesse dans des lieux différents par équivalence, s’ils ne demeure pas dans un lieu qui serait le même par équivalence. »

Cette théorie, les Scotistes l’interprètent en disant que ce