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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/213

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Les autres corps sont dits en un lieu parce qu’ils sont dans quelque chose qui les entoure et les contient. Il n’en est point ainsi du Ciel, car au gré d’Aristote, au-delà de cette sphère ultime, il n’y avait pas d’autre corps immobile ; s’il est en un lieu, c’est parce qu’il existe un objet en repos à l’aide duquel on juge du mouvement du Ciel, et cela, parce que d’un instant à l’autre, chaque partie du Ciel se trouve diversement située à l’égard de cet objet. »

Plus exact à suivre la pensée de Guillaume d’Ockam, Josse d’Eisenach se fût demandé ce qui adviendrait de ce lieu du Ciel suprême, si le corps central, au lieu de rester en repos, se trouvait en mouvement. Cette question, qui avait si vivement préoccupé les Parisiens du xive siècle, semble ignorée de tous les maîtres allemands du xve siècle et du xvie siècle.


B. La possibilité du vide


L’existence d’un espace vide est-elle chose possible ? À cette question, tous les maîtres allemands que nous avons pu consulter répondent d’un commun accord.

L’existence d’un espace vide n’implique aucune contradiction ; rien donc n’empêcherait Dieu de réaliser un tel espace s’il lui plaisait.

En revanche, le jeu des forces naturelles met toujours obstacle à la production du vide, dont la nature a horreur.

Lisons Frédéric Sunczel.

À cette question[1] : « Le vide peut-il exister par l’effet de quelque puissance ? » il répond en posant deux conclusions.

La première conclusion est ainsi formulée : « Le vide ne peut exister naturellement. » En effet, « toutes les choses souhaitent leur mutuelle contiguïté, afin de pouvoir mieux recevoir les influences qui les conservent ; partant, le vide serait, dans la nature, une inconvenance, une sorte de désordre. La nature donc, je veux dire la nature commune, à horreur du vide, afin que les choses soient conservées dans leur être. C’est pourquoi l’on peut prouver, par une multitude d’expériences, que les choses naturelles font effort même contre leur propre nature

  1. Collecta et exercitata Friderici Sunczel, lib. IV, quæst. VII.