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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/214

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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

afin d’empêcher le vide. » Et notre auteur de décrire plusieurs des expériences qu’on avait accoutumé, dès le temps d’Albert le Grand et de Roger Bacon, d’invoquer en cette circonstance.

Mais à la première conclusion qu’il a justifiée de la sorte, il joint celle-ci : « L’existence du vide n’implique aucune contradiction c’est dire que le vide peut exister par l’effet d’une puissance surnaturelle. Cela est évident ; une chose est possible, en effet, dont l’existence en acte, si elle était réalisée, n’entraînerait aucune impossibilité ; or, si l’on admet l’existence du vide, rien d’impossible n’en résulte. »

Lisons maintenant Conrad Summenhart.

« L’existence du vide absolu est naturellement impossible[1]. La nature, en effet, n’admet pas ce dont elle a horreur ; or la nature a horreur du vide, donc elle ne l’admet pas.

» Voici la preuve de la mineure : La nature aime mieux opérer contrairement à son inclination naturelle que d’admettre le vide ; c’est donc qu’elle en a horreur.

» De cette preuve, l’antécédent est rendu manifeste par une clepsydre pleine d’eau ; si l’on bouche, en effet, l’orifice supérieur, l’eau ne s’échappe pas par les trous qui sont au bas, bien que son inclinaison naturelle la porte à tomber hors de la clepsydre ; et cela, parce que le vide surviendrait. La clepsydre dont je parle est un instrument qui sert à l’arrosage des jardins, semblable aux clepsydres dont on se sert à Paris ; et c’est de ce nom qu’on les appelle en cette ville. »

Mais à cette première affirmation, il faut joindre cette autre : « Par l’effet de la puissance divine, un vide absolu peut exister. On le prouve : À supposer que Dieu anéantisse tous les corps situés au-dessous de la sphère ultime tandis que la sphère ultime demeurerait, il n’y a pas de contradiction ; or, cela fait, il resterait un vide absolu, car il y aurait un lieu, la surface concave de la sphère ultime, que ne remplirait aucun corps. »

Grégoire Reisch ne tient pas un autre langage[2].

« Peut-il y avoir un corps sans lieu ou bien un lieu sans corps contenu ? », demande le disciple. — « Assurément, répond le Maître ; cela se peut faire par la vertu divine ; cela aurait lieu si Dieu créait quelque corps hors du Ciel, où il n’y a pas de lieu, ou bien encore si, à l’intérieur du Ciel, il anéantissait un corps ; dans ce dernier cas, il resterait un espace vide ; le mot

  1. Conradi Summenhart Commentaria in Summam physice Alberti Magni, tract. I, cap. VIII, septima difficultas, fol. suivant le fol. sign. c 5, col. b.
  2. Margarita philosophica, lib. VIII : De principiis rerum naturalium ; cap. XL.