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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/233

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

matière. La seconde leur en accorde une, mais déclare qu’elle n’a pas même nature que la matière des choses sublunaires ; Averroès et, surtout, Saint Thomas d’Aquin l’ont défendue. La troisième met dans les deux et dans les choses d’ici-bas une même matière première ; cette dernière doctrine est celle de Gilles de Rome et de Guillaume d’Ockam.

« Chacune de ces trois opinions se peut défendre, conclut Biel.

» Toutefois, la première qui nie l’existence d’une matière dans le Ciel et qui fait du Ciel un corps simple, non composé de parties essentielles, paraît, mieux que les autres, s’accorder avec la raison naturelle ; celle-ci, en effet, ne suppose point la pluralité qu’elle n’y soit conduite par l’expérience ou contrainte par la nécessité ; or ni l’expérience ni la nécessité n’ont lieu d’être invoquées dans le cas proposé, puisque l’opinion dont il s’agit sauve tout sans admettre aucune matière.

» La troisième opinion, qui met une matière dans les Cieux, et lui attribue même nature qu’à la matière des choses d’ici-bas semble se mieux accorder avec le sens littéral du texte de la Genèse,.,

» Quant à l’opinion intermédiaire, à celle qui tient pour l’existence, au sein du Ciel, d’une matière, mais d’une matière d’autre nature, elle paraît moins probable ; en effet, elle est moins soumise à la pensée de la Sainte Écriture, et elle a pour elle, à la fois, moins de raison et moins d’autorité. »

L’incertitude que ne dissipe point cette discussion sur la substance céleste se va retrouver dans l’étude des moteurs qui font tourner indéfiniment les orbes sur eux-mêmes[1].

Il est une première théorie que Gabriel Biel rejette comme étant, à la fois, contraire aux docteurs catholiques et aux philosophes ; c’est celle qui tient le Ciel pour un être animé et qui lui donne pour moteur l’âme dont elle l’a doué.

« Cette opinion rejetée, dit-il, il en reste deux autres, contraires l’une à l’autre, et probables toutes deux.

» La première, c’est que le Ciel est mû par sa forme propre. En effet, par sa matière, par sa grandeur, par sa figure, le Ciel est apte au mouvement. Il a, en outre, une forme plus parfaite que celle d’un élément ou d’un mixte non vivant ; cette forme-là est, par conséquent, plus active que celle-ci. C’est par la force

  1. Gabrielis Biel Op. laud., lib. II, dist. XIV, quæstio unica ; éd. cit., fol. suivant le fol, sign, f f iiij, col. d, et col. a et b du fol. suivant