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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/244

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LES UNIVERSITÉS DE L’EMPIRE

naturel d’une partie terrestre, c’est le centre du Monde ou de la terre ; or toute partie de la terre est divisible et un objet divisible ne peut résider en un indivisible ; aucune partie de la terre n’est donc au centre ; elles sont toutes hors du centre…

» Mais la terre est dite naturellement logée de façon dont elle peut l’être ; ni la terre entière ni aucune de ses parties ne peut être au centre ; mais les diverses parties de la terre peuvent être disposées autour du centre, et elles en peuvent être plus ou moins rapprochées selon qu’elles sont plus ou moins lourdes. »

Une seule fois, dans cette étude sur le lieu naturel des éléments, Summenhart s’avise de parler de Mécanique ; mais c’est pour reproduire une des assertions les plus malencontreuses que Jean Buridan ait formulées.

« Si l’on élève en l’air, dit-il[1], l’eau que contient une pierre creusée, cette eau a, au-dessous d’elle, un corps plus lourd et, au-dessus, un corps plus léger ; et cependant, son repos est un repos violent… Nous répondrons : Cette eau est en un lieu naturel relatif, c’est-à-dire par comparaison à la pierre. Cela est manifeste, car cette eau ne charge pas la pierre ; en effet, la main qu’on plonge dans une telle eau ne s’en trouve pas chargée. Mais cette eau n’est point dans son lieu naturel absolu, car si on la compare à l’air qu’elle surmonte, on voit qu’elle charge les choses qui se trouvent dans l’air au-dessous de l’eau et de la pierre. » En d’autres termes, l’eau n’exerce aucune pression sur le fond du vase de pierre qui la contient ; mais si l’on pesait dans une balance ce vase plein d’eau, on trouverait qu’au poids du vase, s’ajoute le poids de l’eau. Summenhart, comme Buridan, répète ici l’hérésie hydrostatique de Ptolémée et de Héron d’Alexandrie.

Il serait temps de trouver quelque maître allemand qui ne se donne pas l’air d’ignorer là théorie parisienne de la terre et des mers ; Grégoire Reisch sera ce maître ; en effet, dans sa modeste Margarita philosophica, il donne un exposé succinct de cette théorie[2].

« La substance totale de la terre et de l’eau, dit-il, constitue un seul corps sphérique ; les philosophes lui ont assigné deux centres, un centre de grandeur, et un centre de gravité ; le centre de grandeur divise [en deux parties égales] l’axe de la sphère totale que forment la terre et l’eau ; il est le centre du Monde ;

  1. Conrad Summenhart, loc. cit., col. c.
  2. Margarita philosophica, lib. VIII, tract. I, cap. XLII ; éd. cit., fol. S ii.