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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/272

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NICOLAS DE CUES

L’unité est éternelle. L’égalité est éternelle. La connexion est éternelle. Mais rien d’éternel ne saurait être pluralité ; alors, en effet, l’unité, qui est naturellement antérieure à la pluralité, précéderait l’éternité même, ce qui est impossible. L’Un seul est éternel. Si donc l’unité, l’égalité et la connexion sont éternelles, c’est que l’unité, l’égalité et la connexion sont un seul et même être. « Telle est donc cette trinité dans l’unité qui a été proposée à notre admiration par Pythagore, le premier de tous les philosophes, l’honneur de l’Italie et de la Grèce. »


G. L’influence de Thierry de Chartres
sur Nicolas de Cues


Nicolas de Cues invoque le nom de Pythagore ; mais il se garde bien de nommer celui dont il tient l’idée qu’il vient de développer.

Cet inspirateur, c’est Thierry de Chartres.

Thierry a composé, du premier chapitre de la Genèse, un commentaire intitulé : De opere sex dierum libellus. Ce commentaire devait former un ouvrage très considérable ; malheureusement, on n’en possède aujourd’hui que le premier livre et le début du second livre. Du premier livre, à l’aide des quatre textes manuscrits que possède la Bibliothèque Nationale, B. Hauréau a donné une excellente édition[1].

Nous avons résumé jadis[2] la théorie cosmogonique de Thierry de Chartres ; nous avons dit avec quelle audace Thierry demandait aux seules forces physiques l’explication de l’entière évolution du Monde.

Le livre publié par Hauréau se termine par une très remarquable doctrine, d’allure pythagoricienne, dans laquelle l’éternité de Dieu est déduite de son unité, tandis que la génération éternelle du Verbe par le Père est assimilée à l’opération dans laquelle l’unité, en se multipliant par elle-même, engendre ce qui lui est égal.

Or c’est cette doctrine, si profondément marquée d’un sceau caractéristique, que Nicolas de Cues a reprise.

L’identité de la pensée de Chrypfs avec la pensée de Thierry

  1. B. Hauréau, Notice sur le no 647 des manuscrits latins de la Bibliothèque Nationale. (Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et autres bibliothèques, t. XXXII, 1888, pp. 172-185.)
  2. Voir : Seconde partie, ch. IV, § III ; t. III, pp. 184-193.