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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/289

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

parvenir, en effet, nous devons[1], « des choses qui passent et coulent dans le temps, des choses dont l’être consiste dans un flux instable, monter aux choses éternelles, là où toute succession a disparu, et demeurer dans la fixité permanente du repos. »

Si donc l’intelligence concentre dans une immuable unité tout temps, tout mouvement, tout ce qui est changeant et divers, c’est parce qu’elle est semblable à Dieu, c’est parce que l’homme est devenu fils de Dieu ; fils de Dieu, identifié à Dieu par la theosis, il peut, comme Dieu, tout unir, tout concilier, jusqu’aux contradictoires.

De cette théorie sur la connaissance du temps et du mouvement, Saint Augustin, Damascius, Simplicius ont bien pu fournir les éléments ; mais, à coup sûr, ils n’eussent point consenti à les combiner de la sorte ; ils n’eussent point voulu conduire cette théorie jusqu’à la doctrine où le Cardinal allemand la fait entrer.


L. De quelle manière Dieu et 1’Univers
sont en toute chose créée, et inversement


L’unité de Dieu est la synthèse de la multiplicité qui constitue l’Univers ; la multiplicité de l’Univers est le développement de l’unité divine ; le Néo-platonisme, peut-on dire, n’a cessé de méditer ces deux propositions.

Afin de faire entrevoir comment toutes les choses de ce monde peuvent exister au sein de l’Un sans y introduire de diversité, Plotin prenait exemple[2] du centre indivisible du cercle ou convergent une infinité de rayons. « Autant il y a de rayons qui parviennent au centre du cercle, autant il semble y avoir de points réunis dans ce centre. »

Denys avait repris et développé cette comparaison[3]. La Théologie d’Aristote en avait usé à son tour[4] pour montrer comment la multitude des formes peut exister dans l’unité de l’intelligence : « L’Intelligence est comme le centre du cercle qui contient en lui-même tout ce qu’il y a d’angles, de côtés, de lignes, de surfaces et d’autres choses imaginables en ce cercle

  1. Nicolai de Cusa De filiatione Dei libellus ; éd. cit., t. I, p. 121.
  2. Plotini Enneadis VI, liber V, cap. V ; éd. Didot, p. 450.
  3. Voir : Troisième partie, ch. I, § III ; t. IV, pp. 348-349.
  4. Aristotelis Theologia, lib. IV, cap. IV ; éd. 1519, fol. 20 ; éd. 1572, fol, 34, ro.