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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/290

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NICOLAS DE CUES

et dans les autres figures. Il est indivisible et sans dimension. Toutes les lignes du cercle sont issues de ce point et reviennent à lui. C’est pourquoi on le nomme centre. »

La lecture de l’Aréopagite avait rendu cette image banale auprès des maîtres de la Scolastique ; on ne compterait pas ceux qui l’ont décrite.

Nicolas de Cues, à son tour, recueille cette métaphore [1] ; il la modifie légèrement, afin qu’elle exprime, en même temps que l’unité de Dieu, l’idée particulière qu’il se fait de la Trinité ; le centre est le symbole de l’Unité ; les rayons égaux qui en sont issus représentent l’Égalité ; du Lien entre le centre unique et les rayons égaux procède la circonférence.

« Je me tourne maintenant, dit-il, vers le centre très simple, et j’y vois le principe, le moyen et la fin de tous les cercles. Sa simplicité est indivisible et éternelle ; dans son unité indivisible et très stricte, il est la synthèse de toutes choses. Il est le commencement de l’égalité ; en effet, si les lignes qui joignent le centre à la circonférence n’étaient pas toutes égales entre elles, ce point ne serait pas centre d’un cercle. Ainsi l’indivisibilité du centre est le commencement simple de l’égalité ; sans l’union de sa simplicité ponctuelle avec l’égalité des rayons, il ne saurait y avoir de centre de cercle, car l’essence de ce centré consiste dans son équidistance à la circonférence. Ainsi, dans ce point central, je vois à la fois l’Unité, l’Égalité et le Lien qui les conjoint…

» Vous comprendrez encore mieux tout cela si vous considérez que l’Unité absolument simple est la synthèse de toute multitude et que, par là même, elle est exempte de toute multiplicité, parce qu’elle complique en elle toute multiplicité, toute multitude. Dans toute multitude, on reconnaît cette unité, car la multitude n’est que le développement de l’unité. On en peut dire autant du point, qui est la synthèse de toute grandeur… Ouvrez donc votre esprit, et vous verrez que Dieu est en toute multitude, parce qu’il est dans l’unité, et qu’il est en toute grandeur, parce qu’il est dans le point…

» Ainsi se tient profondément caché le centre de tous les cercles ; dans sa simplicité réside une force qui synthétise toutes choses. »

Toutes choses sont en Dieu [2], qui est la synthèse de la créa-

  1. Nicolai de Cusa De ludo globi, lib. II ; éd. cit., t. I, pp. 229-230. Cf. Comptementum theologicum, cap. VI ; éd. cit., t. III, p. 1112.
  2. Nicolai de Cusa De docta ignorantia, lib. II, cap. III ; éd. cit., t. I, p. 26-27.