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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

de Paris, Guillaume d’Auvergne, mettre là conscience chrétienne en garde contre les doctrines dangereuses qu’avaient proposées « Aristoteles et ejus sequaces ».

Plus tard encore, lorsque les maîtres, dédaigneux de ces avertissements, s’étaient jetés tête baissée dans les erreurs des Philosophes, un troisième évêque de Paris, Étienne Tempier, avait, par deux fois, én 1270 et en 1277, condamné les plus dangereuses de ces erreurs. Pendant tout le xive siècle, le décret d’Étienne Tempier avait été, pour ainsi dire, le code de l’enseignement parisien ; par lui, il avait appris qu’il fallait secouer le joug d’Aristote et d’Averroès ; il l’avait ainsi conduit à la découverte de quelques-uns des principes où la Science moderne tenait en germe ; il l’avait aussi conduit à dénier de plus en plus à la Métaphysique profane le pouvoir d’établir, par ses propres forces, les vérités les plus essentielles sur Dieu et sur l’âme ; ce pouvoir, les Duns Scot, les Jean de Jandun, les Guillaume d’Ockam, les Jean Buridan ne le reconnaissaient qu’à la Révélation.

Cette méfiance qu’ils avaient continuellement éprouvée à l’égard des philosophies païennes et, tout particulièrement ! d’Aristote, les Théologiens de Paris eurent occasion, vers la fin du xive siècle, de la proclamer solennellement. Cette proclamation retentit dans le traité célèbre qu’au nom de l’Ùniversité de Paris, Pierre d’Ailly présenta en 1388, au pape Clément VII, contre Jean de Montson et ceux qui se fiaient outre mesure à l’autorité de Saint Thomas d’Aquin ; dans ce traité, l’alliance continuelle que le Doctor communis avait tenté de faire entre les préceptes des Philosophes et les dogmes de l’Église est sévèrement jugée.

« La doctrine de Saint Thomas, dit Pierre d’Ailly[1], s’appuie fort souvent à l’autorité et aux raisons des Philosophes et, particulièrement des Péripatéticiens. En effet, tous les articles de foi, même les plus ardus, tout ce qui dépasse la raison humaine lui est occasion d’user des dires d’Aristote ; il mêle la philosophie de celui-ci aux doctrines de la foi, comme le peut voir quiconque y prête attention ; or cela lui donne occasion

  1. Tractatus exparte Universitatis Studii Parisiensis pro causa fidei contra quemdam fratrem Joannem de Mordesono. Cap. III, conclusio III, prob. I, corol. I. Dans les résumés de ce traité qui sont ordinairement joints aux éditions des sentences, les passages cités font défaut. De Launoy les a donnés d’après un manuscrit conservé au Collège de Navarre. (Ioannis Launoii Constantiensis, Paris. Theologi De Varia Aristotelis in Academia Parisiensi fortuna Liber, Tertia editio. Lutetiæ Parisiorum, ap. Edmundum Martinum, MDCLXII. p. 94-95.)