gence plané dans cette région plus élevée où s’exerce l’intuition. Plus attentivement encore, examinons[1] cette union de l’intelligence et du sens par l’intermédiaire de la raison.
Pour concevoir l’âme humaine, il nous faut imaginer l’intelligence comme étant l’unité et le sens comme représentant la pluralité (alteritas), La lumière intellectuelle descend dans l’ombre du sens, tandis que le sens monte vers l’intelligence ; et par ce double mouvement, un troisième terme est produit ; c’est la raison, qui est intermédiaire entre le sens et l’intelligence.
Née d’un mouvement de descente et d’un mouvement d’ascension, cette raison même est double ; elle comprend une partie supérieure qui est la plus voisine de l’intelligence et qu’on peut appeler la faculté appréhensive ; elle comprend aussi une partie inférieure, plus rapprochée du sens, à laquelle on peut attribuer le nom de fantaisie ou d’imagination. Nous avons ainsi, dans l’âme humaine, quatre facultés qui en sont, en quelque sorte, les quatre éléments. De ces quatre facultés, « il en est deux[2], la sensibilité et l’imagination, qui s’exercent dans le corps, tandis que les deux autres, la raison[3] et l’intelligence, s’exercent hors du corps ».
Ainsi l’unité de l’intelligence descend dans la diversité (alteritas) de la raison appréhensive ; l’unité de la raison dans la diversité du sens ; et en même temps que ce mouvement de descente, se produit une ascension de chaque faculté vers la faculté supérieure.
Pourquoi cette descente de l’intelligence vers le sens[4] ? L’intention de l’intelligence est-elle de devenir sens ? Non pas, mais acquérir sa propre perfection en devenant intelligence en acte. L’intelligence est le pouvoir de connaître ; elle ne peut devenir connaissance actuelle qu’en s’unissant au sens, qu’en devenant sens ; elle se fait sens afin de passer de la puissance
- ↑ Nicolai de Cusa De conjecturis, lib. II, cap. XVI ; éd. cit., t. I, p. 112.
- ↑ Nicolai de Cusa De ludo globi, lib. I ; éd. cit.. t. I, p. 214.
- ↑ Nicolas de Cues donne ici le nom de raison à la faculté appréhensive, partie supérieure de la raison. — On remarquera que la raison, intermédiaire entre l’intelligence et le sens, est ici dédoublée exactement comme l’Âme du Monde, intermédiaire entre l’intelligence active et la Nature, est dédoublée par la Théologie d’Aristote. (Voir : Troisième partie, ch. I, § IV ; t. IV, p. 370.)
- ↑ Nicolai de Cusa De conjecturis, lib. II, cap. XVI ; éd. cit., t. I, p. 113.