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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/306

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NICOLAS DE CUES

à Pacte. L’intelligence ne sort donc d’elle-même en sa descente que pour revenir à elle-même par une ascension qui ferme la cycle de ce mouvement.

Ce mouvement, nous l’avons dit, a pour objet la perfection même de l’intelligence ; lorsque l’intelligence conçoit, sa puissance passe à l’acte, sa perfection augmente ; lors donc que l’intelligence, en s’unissant aux espèces sensibles, se fait intelligible, elle progresse dans l’ordre de l’intelligence, elle se féconde elle-même.

Plus la lumière de l’intelligence pénètre profondément au sein des multiples apparences sensibles, plus, à leur tour, ces espèces se trouvent absorbées et unifiées dans la lumière intellectuelle ; la diversité (alteritas) de l’intelligible tend de plus en plus à se fondre dans l’unité de l’intelligence ; en sorte que cette unité de l’intelligence devient de plus en plus parfaite au fur et à mesure que la puissance intellectuelle passe à l’acte ; le mouvement intellectuel tend au repos.

C’est en vue de sa propre perfection que l’intelligence descend vers le sens pour remonter vers elle-même ; c’est aussi en vue de la perfection de la vie sensitive que le sens monte vers l’intelligence. Ainsi l’intelligence ne descend point vers le sens, si ce n’est pour que le sens monte vers elle ; et de même le sens ne monte point vers l’intelligence, si ce n’est pour que l’intelligence descende vers le sens. Par là, la descente de l’intelligence vers le sens, l’ascension du sens vers l’intelligence ne sont qu’un seul et même mouvement ; les contraires sont identiques selon le principe constant de la Métaphysique de Nicolas de Cues.

L’intelligence descend et le sens monte afin de se rencontrer et de s’unir dans la raison intermédiaire ; ce double mouvement explique tout le mécanisme de la connaissance humaine. Rien ne peut se trouver dans l’intelligence qui ne descende aussitôt dans la raison ; rien ne peut tomber sous le sens qui ne monte en la raison ; et c’est ainsi qu’il faut comprendre le fameux axiome péripatéticien : Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu.


R. La charité, union de Dieu et de l’âme humaine


Nicolas de Cues nous a décrit de quelle manière l’intelligence et le sens se trouvaient unis dans l’esprit de l’homme. C’est d’une façon toute semblable qu’il conçoit, dans la vie chré¬