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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/331

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Nous verrons plus tard qu’à l’imitation et sous l’inspiration de Nicolas de Cues, Léonard de Vinci s’est, à son tour, occupé du jeu de globe ; au globe, ses dessins donnent deux formes différentes ; les uns le figurent comme un hémisphère qui roule en touchant le sol par un point de la circonférence de base ; c’est avec un semblable globe que jouait Jean, duc de Bavière, interlocuteur du Cardinal allemand ; les autres le représentent comme un tronc de cône dont la petite base porte un renflement et qui touche le sol, en roulant, par un point de la circonférence de la grande base ; c’est assurément là le capuiwhon, la cocolla qu’on jetait dans les cabarets de Padoue, au temps de Pierre d’Abano.

À la question posée, l’auteur des Problèmes donne cette réponse : Toutes les parties du globe ont été lancées avec la même force ; si elles se mouvaient toutes avec la même vitesse, elles décriraient des lignes parallèles et le mobile ne tournoierait pas sur lui-même ; mais, comme elles sont de poids inégal, ces diverses parties, lancées avec des forces égales, ne se peuvent mouvoir avec la même vitesse ; voilà pourquoi le jouet décrit une spirale,

Ces considérations n’expliquent pas grand-chose, et Pierre d’Abano ne sait que les répéter. On en peut dire autant de ce que l’auteur et le commentateur écrivent presque aussitôt après [1] touchant un problème de même sorte.

Un cylindre qu’on fait rouler sur le sol, écrit Aristote, éprouve un simple mouvement de translation ; les centres de ses deux bases décrivent des droites parallèles ; au contraire, le toton éprouve, autour de son axe, un mouvement de rotation. Pourquoi cette différence ? Dire qu’elle tient à ceci que tous les parallèles du cylindre sont égaux entre eux, tandis que les divers parallèles du toton sont de différentes grandeurs, c’est vraiment se contenter à peu de frais. C’est cependant, tout ce que le pseudo-Aristote et Pierre d’Abano trouvent pour satisfaire leur curiosité.

Nicolas de Cues a certainement lu les Problèmes d’Aristote, et le souvenir de cette lecture se reconnaît d’emblée dans les réflexions que le jeu du globe lui suggère. Mais son érudition ne se borne certainement pas à ces Problèmes et au commen-

  1. Aristotelis Problemata, sectio XVI, probl. V (Aristotelis Opera, éd. Dldot, éd. Becker, t, II, p. 914, col. b, et p. 915, col. a). Problemata Aristotelis…cum expositione Pétri Aponi, participa XVI, probl. V ; éd, cit., fol, 160, col. d, et fol. 161, col. a, b et c.