Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
381
PAUL DE VENISE

au troisième livre des Physiques, pour les choses perpétuelles, être et pouvoir être ne sont pas différents.

» Seconde raison : Une multitude infinie d’hommes sont morts et, de chacun d’eux, l’âme existe ; il y a donc une infinité d’âmes, contrairement à ce qu’enseigne le Philosophe, au premier livre Du Ciel et au troisième livre des Physiques, lorsqu’il nie le nombre infini. La majeure de ce raisonnement nous est donnée par le Philosophe qui, au huitième livre des Physiques, admet l’éternité du Monde et qui, en même temps, au premier livre Du Ciel, enseigne la destruction de tout individu affecté de privation et subsistant en la matière ; la mineure résulte de l’opinion professée par ceux au gré desquels l’âme intellectuelle est engendrée mais n’est jamais détruite.

» Troisième raison : Supposons que l’âme intellectuelle soit engendrée ; comme plusieurs hommes sont engendrés, il faut admettre que les âmes intellectuelles sont multiples comme les corps de ces hommes ; si l’on accordait cette conclusion, il en résulterait que, pour des êtres séparés de la matière, il pourrait y avoir plusieurs individus sous une même espèce ; cela va contre ce que le Philosophe enseigne au premier livre Du Ciel ; et le raisonnement serait évidemment concluant car, au gré du Philosophe, l’intelligence est une vertu séparée de la matière.

» Quatrième raison. Il en résulte qu’il y aurait, dans la nature, une chose perpétuelle qui serait vaine et oiseuse ; cela va contre ce qu’Aristote enseigne au premier livre Du Ciel, et aussi dans ce troisième livre De l’âme, lorsqu’il dit : Dieu et la nature ne font rien en vain. Notre raisonnement, cependant, conclurait évidemment car, après la destruction du corps, l’intelligence en demeurerait perpétuellement séparée, et ne s’unirait plus à aucun autre corps.

» Voici donc ce qu’il faut dire, selon l’intention d’Aristote : La matière première n’est, par elle-même, ni engendrée ni détruite, qu’elle l’est seulement par accident ; … toutefois, elle est réellement engendrée, car elle possède maintenant une forme dont elle était auparavant privée et qu’elle cesse de posséder la forme dont elle était douée ; de même, l’intelligence est, de soi, incapable d’être engendrée ou détruite car, au gré du Philosophe, elle est éternelle ; toutefois, elle se trouve engendrée et détruite par accident, en ce sens qu’elle fait donner le nom d’homme à quelque chose qu’auparavant elle ne dénommait pas ainsi, et qu’elle cesse de faire dire : c’est un homme, d’une chose à laquelle elle assurait cette dénomination. »