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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/383

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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

ou, ce qui revient au même, avec la pénétration d’Averroès, le commentateur impeccable ; et pour saisir la vérité dont ces pensées sont dépositaires, il importe de suivre fidèlement les opinions des anciens, de se garder, avec un soin jaloux, de toute innovation proposée par les modernes.

Nous allons donc voir notre ermite de SaintAugustin s’attacher scrupuleusement au sentiment d’Aristote et d’Averroès même dans les circonstances où ce sentiment est directement contraire à la foi catholique ; ainsi en sera-t-il au sujet de l’intelligence humaine.

Admirons la fermeté avec laquelle, dans son exposition sur le Traité de l’âme, Paul formule la théorie averroïste de l’intelligence.

Voici, d’abord, ce qu’il enseigne[1] au sujet de l’intelligence en puissance :

« L’intelligence n’est pas une nature déterminée ; elle a seulement puissance de recevoir toutes les formes…

» Il faut remarquer que, selon le Commentateur, cette nature n’est pas une chose déterminée (hoc aliquid) ; elle n’est pas un corps ni une vertu dans un corps ;… l’intention du Commentateur, c’est que l’intelligence humaine ne soit pas chose singulière ou individuelle ; cela résulte de ce qu’elle n’est ni corps, ni vertu dans un corps ; c’est la matière, en effet, qui est la raison d’être de l’individuation, et l’intelligence humaine est séparée de la matière, tout comme l’est chacune des intelligences célestes. »

Plus loin, au sujet de l’intelligence active, il écrit[2] :

« L’opinion des modernes qui pensent imiter Aristote, c’est la suivante : L’intelligence est immatérielle, indivisible, incorruptible, et perpétuelle dans l’avenir ; mais elle a été créée et engendrée au moment où chacun des corps humains a commencé d’exister.

» Contre cette opinion, on peut donner quatre raisons.

» La première est celle-ci : Aristote déclare, au premier livre Du Ciel qu’être produit par génération et être corruptible sont deux caractères qui s’entraînent l’un l’autre ; si donc l’intelligence est soumise à la génération, elle est corruptible. Il n’est pas possible qu’une chose soit perpétuelle dans l’avenir si elle ne l’est pas dans le passé ; en effet, selon ce que dit Aristote

  1. Pauli Veneti Explanatio in libros de anima ; lib. III, textus commenti 5 ; éd. cit., fol. 130, col. c.
  2. Pauli Veneti Op. laud., lib. III, teùt. comm. 14 ; éd. cit., fol. 139, col. a.