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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/390

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PAUL DE VENISE

« Selon Ptolémée, écrit-il, la huitième sphère se meut seulement d’un degré en cent ans ; partant, au gré de cet astronome, elle accomplit son mouvement en trente-six mille ans… C’est le nombre d’années que le Liber de proprietatibus elementorum assigne à l’accomplissement du mouvement de la huitième sphère. Or il est certain qu’au bout de ce temps, les astres errants ne se trouveront pas tous au point initial du Bélier qui fut, au dire de Ptolémée, le point de départ de leur mouvement ; on le montre par les fameuses Tables alphonsines, et aussi par les tables de ce même Ptolémée sur les mouvements célestes. À la fin d’une telle Année, donc, les corps célestes n’auront pas exactement la disposition qu’ils avaient au début de cette même Année ; c’est contraire au f ondement même de F opinion platonicienne.

» En outre, ce fondement, admis par Ptolémée, est rejeté par Thébit ; celui-ci montre que le mouvement de la huitième sphère, qui se fait d’Occident en Orient en vertu de l’accès et du recès du ciel des étoiles fixes, ne s’accomplit pas en trente-six mille ans ; les Tables alphonsines montrent qu’il s’achève en un peu moins de quarante-neuf mille ans. »

Il est clair que Paul ne sait point distinguer entre le mouvement alternatif d’accès et de recès et la précession continuellement dirigée d’Occident en Orient ; il mêle ce que les astronomes ont dit de l’un avec ce qu’ils ont dit de l’autre.

Il est instruit de l’objection que Nicole Oresme dressait contre l’existence même de la Grande Année ; mais il l’expose en des termes tels qu’il paraît l’avoir fort mal comprise.

« Certains mouvements célestes sont incommensurables entre eux ; tels les mouvements des épicycles et des déférents. Dès lors, les mobiles, partis d’un même point, ne reviendront jamais à ce même point. Le raisonnement est concluant, parce que le mouvement du Ciel est uniforme. Aussi, comme le côté du carré, et la diagonale sont incommensurables, les mobiles qui les parcourent et qui sont partis d’un même point ne reviendraient jamais au même point s’ils se mouvaient sans cesse d’une manière uniforme. Aussi Ptolémée, au début du Centiloquium, et Haly, son commentateur, disent-ils qu’on ne reverra jamais une disposition astrale toute semblable à une disposition qui s’est déjà produite. »

À ces objections qui sapent le fondement astronomique de la théorie platonicienne, Paul joint d’autres arguments qui vont à l’encontre des conséquences de cette théorie.