Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
390
LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

En effet, puisque l’âme humaine est immortelle, puisqu’elle est la forme substantielle de l’homme, puisqu’il lui arrive d’être séparée du corps qui est son lieu et son sujet, enfin puisqu’une telle séparation ne peut être perpétuelle, il est nécessaire qu’elle soit unie de nouveau à quelque corps humain. Or elle ne peut être unie à un autre corps, car le Philosophe dit, au second livre De l’âme, que l’acte propre réside dans sa propre matière ; elle sera donc quelque jour réunie au corps qui lui est propre, c’est-à-dire à celui qui avait été détruit lors de la séparation de l’âme.

» Il nous faut donc, selon l’opinion très véritable de la foi chrétienne, dire que ces deux opinions, celle de Platon comme celle d’Aristote, sont également fausses. Il n’est pas vrai que toute chose détruite doive revenir numériquement la même, comme le dit Platon. Il n’est pas vrai, non plus, qu’aucune chose détruite ne reviendra numériquement la même, comme l’affirme Aristote. Mais pour certaines choses, on doit affirmer ce retour et, pour d’autres, le nier. Les êtres détruits qui manquaient de raison ne reviendront pas ; ceux, au contraire, qui ont ou qui eurent une intelligence reviendront, numériquement identiques à eux-mêmes, perpétuels et immortels. Non seulement nous le devons croire par la foi, mais encore par la raison naturelle. »

À la fin d’une nouvelle argumentation dont nous ferons grâce au lecteur, Paul de Venise écrit ces lignes qui terminent son commentaire sur le traité De generatione et corruptione :

« À l’encontre de ce qui vient d’être dit, peut-être fera-t-on yaloir ce doute : La résurrection des morts est un article de foi ; elle ne saurait donc être démontrée par la raison naturelle.

» Nous nierons que ce raisonnement soit concluant. En effet, l’existence de Dieu est, elle aussi, un article de foi ; et cependant, au second livre de la Métaphysique, elle est démontrée par la raison naturelle. Que Dieu soit unique, c’est également un article de foi ; et cependant, la raison naturelle le prouve au douzième livre de la Métaphysique ; on prouve également, au huitième livre de la Physique, qu’il y a seulement un premier Moteur.

» Que l’état d’esprit qui constitue la foi coexiste avéc l’étatd’esprit, qui constitue la science, ce n’est pas absurde, de même qu’il n’est pas absurde d’admettre une même vérité, d’une part, en vertu d’une preuve ou d’une démonstration et, d’autre part, en vertu de l’autorité de celui qui affirme.