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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/392

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PAUL DE VENISE

on ne verra revenir avec une identité numérique le même mouvement céleste ni la même influence astrale ; or ces mouvements et ces influences sont les causes proprement dites de toutes les choses d’ici-bas. Toutefois, les êtres dont la destruction n’est pas complète, tels les éléments détruits dans la génération d’un mixte,… peuvent revenir numériquement identiques à ce qu’ils ont été ; leurs formes, en effet, ne se sont pas résolues purement et simplement en la matière. Mais ce cheval, par exemple, qui a été détruit d’une destruction complète ne reviêndra jamais numériquement identique à ce qu’il était ; il reviendra seulement, comme on l’a dit, un cheval de même espèce. »

Paul de Venise qui se montre, la plupart du temps, si dévotement soumis à la parole d’Aristote, nous réserve une surprise ; il va nous montrer que le Philosophe n’est pas d’accord avec lui-même ; il va, « contrairement à la théorie d’Aristote, prouver la résurrection des hommes défunts, et cela par quatre propositions d’Aristote. »

Ces quatre propositions, qui lui serviront à mettre le Stagirite en contradiction avec lui-même, ce sont les suivantes :

« 1o L’âme intellectuelle est immortelle, car le Philosophe dit, au troisième livre De l’âme, que l’intelligence humaine est impassible et incorruptible…

» 2o L’âme intellectuelle est la forme substantielle de l’homme…

» 3o L’âme intellectuelle se trouve, [par la mort], séparée du corps, qui est son lieu et son sujet…

» 4o L’âme intellectuelle ne saurait demeurer perpétuellement hors du corps ; le Philosophe dit, en effet, au premier livre Du Ciel, que rien de ce qui est violent ne peut être perpétuel. »

Ces propositions sont de celles que notre auteur invoquait en son Explanatio in libros de anima, dans sa Summa Philosophiæ ; ce qu’il en concluait, dans ces ouvrages, ce n’est pas du tout la doctrine chrétienne de la résurrection des morts ; c’est la théorie averroïstes de l’unité d’une intelligence, impérissable et sans cesse unie à quelque corps humain. Il tient maintenant un tout autre langage.

« En vertu de ces propositions, le Philosophe est tenu d’accorder la résurrection des hommes qui sont morts, et de concéder que certains êtres, détruits d’une destruction complète, reviendront numériquement identiques à ce qu’ils étaient.